Voyez également : LE PLATEAU DE LANGRES, SON RELIEF.
1) LES RIVIÈRES :
Sur le plan orographique, le « Plateau de Langres » est une vaste chaîne de collines géographiquement homogène, appelée « Montagne » pour les uns et « Plateau » pour les autres, qui court en diagonale depuis l’Armançon jusqu’à la région de Neufchâteau. Il est limité au Sud par une ligne Dijon S-O, Sombernon, Puits-sur-Armançon, à l’Ouest par « La Vallée » (selon un sillon allant de Puits-sur-Armançon, Laignes, Châtillon-sur-Seine à Bologne et Neufchâteau) ; et limité à l’Est par la cuesta de Langres (c.à.d. la côte qui va de Chalancey à Outremécourt via Langres et Montigny [1] et au-delà de Neufchâteau) (voir carte).
Le « Plateau de Langres », a dit Buffon dans son Histoire naturelle, est la plus haute montagne calcaire de France, dont l’altitude ne dépasse jamais 500m. Cette modeste élévation qui domine tous les terrains alentours, suffit pourtant pour que naissent sur toute son étendue, plusieurs parmi les principales rivières de France : on y trouve en effet la source de la Seine, la source de la Marne, la source de la Meuse, ainsi que celle du principal affluent de la Saône : la Vingeanne. C’est pour cette raison que le « Plateau de Langres » est qualifié, selon le terme de Vidal de la Blache, de château d’eau de la France.
- Extrait du livre Histoire naturelle de Buffon
- Crédits: photo Pierre Gariot
- Carte extraite du livre Histoire naturelle de Buffon
Ce caractère est pleinement justifié par la présence d’une ligne de crête appelée couramment ligne de partage des eaux, qui court dans cette même direction S-O / N-E, se divisant près du village de Poiseul pour encadrer la vallée de la Meuse. Le département est ainsi divisé en trois versants : Manche, Méditerranée et Mer du Nord, dans les directions desquelles s’écoulent respectivement la Seine et son affluent la Marne (vers la Manche), la Vingeanne, premier affluent de la Saône (vers la Méditerranée) et enfin la Meuse (vers la Mer du Nord), ainsi que toutes les eaux infiltrées dans le calcaire fissuré qui jaillissent en de nombreuses sources au contact des marnes. Ce sont ainsi près de 500 rivières et ruisseaux qui abreuvent les vallons fertiles de la Haute-Marne et du « Plateau de Langres », en un développement cumulé estimé à plus de 2 300 km, ce qui est considérable.
Un simple coup d’œil sur la carte du réseau hydrographique nous en précise les caractères généraux, mettant en évidence les lignes de partage des eaux, ainsi que les principaux bassins hydrographiques :
Bassin de la Seine – la Marne, affluent rive droite de la Seine et principal rivière du département, prend sa source à Balesmes (à La Marnotte) à 5 km au sud-est de Langres. Son premier affluent en rive droite est la Liez, endiguée pour former le vaste réservoir du même nom qui alimente le bief de partage du Canal d’entre Champagne et Bourgogne (ex. Canal de la Marne à la Saône). Elle reçoit ensuite en rive gauche, la Mouche qui est également endiguée à Saint-Ciergues pour le même usage que la Liez, grossie à Humes par la Bonnelle. Puis elle reçoit à Rolampont le Val-de-Gris (ou ruisseau de Poiseul), également endigué pour former le réservoir de Charmes de même usage. Plus loin, elle reçoit encore en rive droite la Traire, le Rognon grossi de la Sueurre et de la Manoise, le Rongeant et son affluent la Pisancelle, l’Osne, la Cousance, l’Ornel et la Saulx, et en rive gauche, la Suize puis la Blaise grossie du Blaiseron. Avec l’apport de tous ses affluents, la Marne était autrefois navigable à partir de Saint-Dizier, et servait essentiellement au flottage du bois pour la ville de Paris.
Quelques rivières envoient aussi leurs eaux directement dans la Seine, notamment l’Aube, grossie en rive droite par l’Aujon, puis par la Voire grossie par la Droye, le Ceffondet et la Laine, et en rive gauche par l’Aubette et l’Ource.
Bassin du Rhône – quelques rivières dévalent au sud vers la Saône, inscrivant le parcours de leur lit supérieur dans notre département : ce sont notamment l’Apance qui arrose Bourbonne, l’Amance qui coule aux pieds de Laferté, le Saulon ou Salon augmenté rive gauche par le Fays et à droite par la Resaigne ; la Vingeanne, premier affluent de la Saône, qui est également endiguée pour former le réservoir dit de Villegusien alimentant le même canal ; enfin la Venelle et la Tille qui naissent dans le bois du Mont Saule au sud d’Auberive.
Cette région très faillée, offre en outre quelques particularités remarquables : la Rigotte et le ruisseau de Tornay se perdent ainsi sous terre et forment à quatre ou cinq kilomètres de là l’origine du Vannon qui sort d’un gouffre profond. Le phénomène est identique pour le Ru de Chassigny, affluent de la Vingeanne, comme pour la Venelle affluent de la Tille, qui se perdent souvent avant d’avoir atteint les rivières dont ils sont pourtant affluents.
Bassin de la Meuse – La Meuse est géographiquement la résultante de plusieurs ruisseaux qui prennent leurs sources à Récourt, Avrecourt, Dammartin et Pouilly-en-Bassigny, et se réunissent près du village de Meuse. Mais actuellement, sa source officielle est assimilée au lieu d’une stèle érigée arbitrairement en 1979 à Pouilly-en-Bassigny, par l’abbé Evrard, un curé belge. Partant de là, la Meuse s’écoule d’abord vers l’ouest jusqu’au village de Meuse où elle reçoit le Flambard en rive droite et ses autres sources non officielles, puis s’oriente brusquement en ce lieu vers le nord, où elle reçoit le Mouzon qui arrose le pied de la colline de La Mothe, avant de continuer sur près de 950 km en direction de la Mer du Nord, alimentée par plus de trente affluents rien que dans notre département, mais pour la plupart assez insignifiants.
- Crédits: P. Claval
- Cartographie régionale du plateau de Langres
2) LES ÉTANGS :
Après les eaux vives, les eaux dormantes. Parmi les étangs naturels, la région du der naturellement marécageuse, comportait beaucoup de petits étangs à la fin de l’Antiquité, avant que l’abbaye bénédictine de Montier-en-Der aménage les paysages au VIIe siècle, asséchant la plupart des étangs pour drainer leurs eaux vers des étangs plus productifs en poisson blanc, exigés par la règle bénédictine. Malgré la construction récente des réservoirs de Champaubert (1939) et du lac du Der destiné à endiguer les crues de la Seine (1974) qui en ont encore fait disparaître quelques autres (étangs du Chenil, de la Malmaison, de Bonnevais, de Rouge-mer, etc.), il reste heureusement encore près de quatre vingt étangs dans cette région qui détient le record du nombre de plans d’eaux dans le département. Parmi les principaux, citons ceux d’Harméville, d’Humbécourt et les étangs de la forêt du Val, mais surtout l’étang de la Horre qui est le plus grand, à cheval sur les départements de l’Aube et pour le tiers de sa superficie en Haute-Marne. Cet étang qui est d’un intérêt ornithologique majeur, est actuellement classé en réserve naturelle.
Au cours du Moyen âge, ce sont surtout les moines bénédictins et cisterciens qui créent des réservoirs à poissons blancs en barrant les ruisseaux proches de leurs abbayes pour leur propre usage, selon un principe édicté par la règle bénédictine. Ils créent aussi des retenues d’eau pour les moulins battants à usage préindustriel. Dans cette catégorie, on retiendra surtout les trois étangs de Morimond (Cne de Fresnoy-en-Bassigny), et les étangs d’Acquenove et du Val Clavin à Auberive, du Creux d’Aujon à Perrogney, mais aussi l’étang de Bonnencontre à Colombey-lès-Choiseul. Par ailleurs, quelques seigneurs fortunés ont également créé leurs propres étangs seigneuriaux pour un usage préindustriel, comme le Grand étang de Choiseul et les étangs d’Écot-la-Combe, de Reynel, de Lafauche, d’Orquevaux, de Farincourt, de Montsaugeon, etc., souvent à l’usage de forges et de moulins privés.
Au XIXe siècle, la traversée du Plateau de Langres par le « Canal de la Marne à la Saône » (actuellement « Canal d’entre Bourgogne et Champagne ») entre 1862 et 1907, a nécessité la réalisation de quatre réservoirs idéalement répartis sur les deux versants nord et sud de Langres, afin d’alimenter les écluses : ce sont les digues de La Liez sur les communes de Peigney et de Lecey (1880-1885), de La Mouche ou de Saint-Ciergues (1881-1890) à cheval sur cette commune et sur Perrancey, de la Vingeanne ou de Villegusien (1901-1906) sur cette même commune, et enfin celle de Charmes à Charmes-lès-Langres (1902-1906). En dehors de leur usage propre lié au canal, leur intérêt naturaliste et touristique n’est aujourd’hui plus à démontrer.
Dans le nord du département, le canal de Wassy à Saint-Dizier destiné à écouler le minerai de fer de Pont-Varin (1880-1883) a nécessité la construction de la digue de Wassy, rendue au tourisme après l’abandon de l’exploitation des mines de fer de Pont Varin en 1922.
Enfin, on pourrait encore intégrer à ce chapitre, les gravières pratiquées pour un usage industriel récent dans les plaines alluviales, notamment celles de la région de Perthes et Saint-Dizier dans la vallée de la Marne (ballastières), ainsi qu’à Marmesse dans la vallée de l’Aujon.
Outre leur intérêt floristique et faunistique évident, tous ces plans d’eau de diverses origines offrent tous un grand intérêt pour les pêcheurs et les chasseurs au gibier d’eau. Parmi tous ces plans d’eau, quelques-uns offrent en outre un grand intérêt écologique peu connu, tel l’étang de la Horre déjà cité, mais aussi l’Étang-du-Vau à Mandres-la-Côte qui abrite une colonie de ragondins (espèce protégée), ou l’étang de Morimond qui abrite de très rares écrevisses à pied rouge.
- Crédits: avec l’aimable autorisation de Roger Petitpierre
- Carte hydrographie de la Haute-Marne
3) AUTRES CURIOSITÉS NATURELLES AQUIFÈRES :
Notre département et notamment la région du Bassigny conserve de nombreuses sources froides aux qualités minérales remarquables, dont les plus connues étaient autrefois celles d’Attancourt (les plus anciennement connues), celles de la forêt de Marmesse, celles de Larivière, de Corgirnon et la fontaine d’Essey-les-Eaux. Mais un seul site offre des eaux thermales et minérales chaudes : les sources de Bourbonne-les-Bains, connues dès l’époque gauloise pour leurs multiples vertus, à partir des eaux chaudes qui sortent naturellement de terre à près de 60° (voir : Les eaux de Bourbonne-les-Bains). Elles sont employées pour la guérison des maladies nerveuses et musculaires, ainsi que pour solidifier l’ossature et les fractures ; mais aussi autrefois pour la prompte guérison des blessures par arme blanche ou par armes à feu, ce qui explique la présence d’un hôpital militaire en ce lieu jusque tout récemment.
Par ailleurs, sur les plateaux calcaires du sud du département, la Montagne de Langres offre une exceptionnelle diversité de sources, souvent ferrugineuses. Les eaux s’infiltrent dans le calcaire et réapparaissent en résurgences (par ex. la Dhuy de Poulangy, la source de Saint-Hubert dans la forêt des Dhuys à Colombey etc.), creusant parfois des grottes (comme aux sources de la Marne à Balesmes). Elles abandonnent le calcaire dissous dès qu’elles sortent de terre, sous forme de tufières et de marais tufeux d’un grand intérêt écologique et botanique. Ainsi, sur un ensemble d’une quarantaine de ces sites de marais tufeux répertoriés, on peut rencontrer des espèces montagnardes rares et élégantes, comme par exemple la gentiane pneumonanthe, la parnassie des marais ou la swertie pérenne pour ne citer que quelques espèces parmi les plus remarquables. Une eau tufeuse qui jaillit parfois à flanc de coteau en cascades pittoresques et majestueuses, telle la cascade d’Etuf à Rouvres-sur-Aube, ou encore la tufière de Rolampont au sentier d’interprétation des plus remarquables. On déposait autrefois des objets dans les baignoires de ces cascades, où les eaux déposaient lentement au contact des mousses le carbonate de calcium, qui couvrait en quelques mois d’une fine couche calcaire très résistante les objets déposés.
La Haute-Marne possède encore de nombreuses autres curiosités naturelles liées aux eaux : des gouffres faisant disparaître des rivières entières (par ex. la Rigotte et le ruisseau de Tornay, l’andouzoir de Grandchamp ou la Fosse de l’Andouzoir près de Piépape etc.), ou à l’inverse, les faisant jaillir de terre tranquillement (la Source Bleue à Villiers-sur-Marne, la Dhuy d’Orges, ou la résurgence de la Sueurre dans le parc du château de Rimaucourt par ex.), parfois en bouillonnant (par ex. le Creux Janin à Cusey, la résurgence intermittente du Corgebin ou la source de Vivey jaillissante de la falaise) ; mais également des cirques remarquables (par ex. le Cul du Cerf à Orquevaux ou la coquette Chambre Noire près de Pouilly-en-Bassigny). Sans parler des innombrables vallons pittoresques comme les Sources de la Marne à Balesmes, les vallons d’Orquevaux, de Beaucharmoy ou de Chevillon, ou encore de magnifiques vallées, véritables écrins de verdure qui méritent toutes d’être parcourues, comme les vallées de l’Aube, de l’Aujon, de la Blaise, du Rognon ou de la Sueurre, pour ne citer que les principales ; mais aussi le frais canyon des sources de la Vingeanne à Aprey aux senteurs d’ail, ou le Val Clavin à Auberive, où court une eau cristalline sur un tapis de fleurs rares de toute beauté au printemps.
La Haute-Marne est très riche en eaux, et très riche également de toutes les curiosités et les émotions qui en découlent. Mais ces richesses ne se livrent pas facilement, il faut savoir marcher pour les mériter et être patient pour les découvrir … c’est à ce prix que la « fée verte » si chère à André Theuriet saura se livrer à vous dans tout l’éclat de sa pureté parmi les splendeurs haut-marnaises.
Alain Catherinet
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