Recommandation
Pour se faire rapidement une idée de la situation du Plateau de Langres, avant d’entreprendre une lecture approfondie, le lecteur pourra aller directement sur la carte dynamique placée à la fin de cet article. Mettre celle-ci en plein écran. Ensuite, il y a possibilité de naviguer à différentes échelles et même, de changer de fond de carte (carte Google terrain recommandée).
Avant propos
Comme précisé dans le paragraphe de présentation de cet article, le Plateau de Langres sera décrit comme une région naturelle de France, au sens géographique le plus large ; c’est-à-dire que ce plateau sera appréhendé essentiellement sous l’aspect géomorphologique [1] (ou géographie physique), sans tenir compte des délimitations administratives régionales et départementales actuelles, ni même, des anciennes provinces.
A titre d’exemple, s’il fallait traiter ici de la Bretagne, la porte d’entrée serait le Massif Armoricain.
De la même façon, le lecteur ne devra pas être surpris que l’utilisation du toponyme « Plateau de Langres » soit, ici, plus large que des expressions similaires recouvrant des régions, plus petites, contenues dans ce plateau aux dimensions élargies.
Pour prendre une comparaison, si l’objet était ici le Jura, on étudierait en premier lieu le Massif du Jura, à un niveau supérieur au département éponyme, à la Franche Comté, au Bugey, au Pays de Gex, au Haut-Doubs, au Lomont, etc. Et, s’il fallait définir la délimitation de ces différentes régions, cela se ferait dans un deuxième temps.
Enfin, cet article se limitera au maximum aux notions géomorphologiques et géologiques de base ; nécessaires et suffisantes pour cerner les contours du Plateau de Langres.
NB : Le lecteur trouvera, à la fin de cet article, au chapitre « Documents » une échelle des temps géologiques [2] afin de situer la période, l’époque ou l’étage mentionné dans le texte.
LE BASSIN PARISIEN
Il est indispensable de comprendre que le Plateau de Langres est indissociable du Bassin parisien.
Le Bassin parisien est le bassin sédimentaire le plus étudié au monde. Depuis le début du XIXème siècle, jusqu’à nos jours, il a fait l’objet, rien qu’en France, de plusieurs dizaines d’ouvrages et de très nombreuses thèses universitaires, sans parler des innombrables communications dans diverses sociétés savantes.
Ci-après, on trouvera une vidéo de l’ANDRA [3] accessible à tous, retraçant l’histoire géologique du Bassin parisien.
Remarque : cette vidéo est plus qu’une simple illustration, car sa visualisation est nécessaire pour comprendre le texte qui suit.
Ce film explique comment se sont déposés tous les sédiments qui forment le Bassin parisien et, le Plateau de Langres en particulier, comme nous allons le voir.
Mais, pour arriver au relief actuel de cette région, il ne faut pas seulement considérer l’empilement des couches sédimentaires comme « les pages d’un livre », il faut aussi prendre en compte deux phénomènes importants évoqués à la fin de ce documentaire :
- Les mouvements tectoniques (mouvements et déformations du sol).
- L’érosion de tout type, dans son contexte climatique : éolienne (vents), fluviale (précipitations et eaux courantes) et périglaciaire (alternance des périodes de gel et de dégel).
Nous n’allons pas ici rentrer dans l’histoire géologique de ces événements mais, seulement essayer de comprendre leur impact sur les paysages, tels que nous les voyons aujourd’hui.
Un préalable est cependant nécessaire. Il serait vain de vouloir expliquer ici, en quelques lignes et de façon linéaire, l’enchaînement de tous ces phénomènes qui ont façonné notre région, comme on décrirait la construction d’un immeuble. Précisément, dans cet exemple, les différentes étapes de construction ne sont pas interrompues par des phases destructrices ! Il en va tout autrement pour la construction du relief de la terre.
En s’appuyant sur la vidéo que nous venons de voir, l’ère Secondaire (de -245 Ma à -65 Ma), considérée comme l’ère des dépôts sédimentaires, a connu aussi, sur 180 Ma, des mouvements tectoniques et des phases érosives, notamment pour ces dernières, lors des périodes d’émersion des terres. En clair, ces deux phénomènes n’ont pas eu lieu uniquement pendant les ères Tertiaire et Quaternaire, bien que ces derniers espaces de temps géologique soient particulièrement propres à ceux-ci.
Par conséquent, plutôt que de nous attacher à une chronologie minutieuse, nous allons essayer de comprendre comment la combinaison de ces 3 phénomènes :
- Dépôts sédimentaires,
- Mouvements tectoniques,
- Érosion,
a façonné le relief actuel du Bassin parisien.
LES DÉPÔTS SEDIMENTAIRES
Vous trouverez ci-après une planche de l’ULB [4] résumant les premières étapes qui ont façonné le Bassin parisien, telles qu’expliquées dans la vidéo précédente.
- Crédits: ULB - Geog-F-102-TP - B. Van Liefferinge
La subsidence, du centre du bassin, a eu pour effet d’incliner fortement les différentes couches sédimentaires sur les bords du bassin.
Pour signifier l’angle de ces couches, on utilise le terme de pendage.
Ensuite, l’érosion géodynamique, appelée pénéplanation, va donner un relief réduit à une surface d’érosion (pénéplaine), sans grande dénivellation et, qui recoupe toutes les couches géologiques en biseaux. Ce relief très particulier va permettre une nouvelle forme d’érosion ultérieure.
Mais, n’anticipons pas, regardons sur les cartes du BRGM [5] comment apparaissent ces couches. Celles-ci sont regroupées par époques géologiques et, chacune de ces dernières est affectée d’une couleur différente.
- Crédits: BRGM - Synthèse géologique du Bassin de Paris - Mémoire du BRGM n°102 1980 - Carte géologique G1
En coupe, cela donne le schéma suivant, où l’on visualise très bien la subsidence des couches :
- Crédits: BRGM/RP - 59248 - FR février 2011
Les couches, ainsi déposées, peuvent être comparées à des assiettes de tailles différentes empilées les unes sur les autres, en commençant par la plus grande en dessous puis, en déposant des assiettes de plus en plus petites, pour terminer par une soucoupe. Le bord visible de chaque assiette, qui n’est pas recouvert par l’assiette supérieure, forme ainsi une auréole ; c’est la raison pour laquelle on parle des auréoles du Bassin parisien.
A l’extérieur du bassin, se trouvent les couches de la période la plus ancienne et, au centre - où se situe Paris - les couches de la période la plus récente.
Si on examine l’est de ce bassin – la partie qui nous intéresse – on va trouver, dans l’ordre des dépôts soit, d’est en ouest, les couches formant les périodes et époques géologiques suivantes :
Le Trias, décliné en 3 époques.
NB : sur la carte, le Trias est représenté d’un seul tenant, sous l’appellation « Vosges gréseuses » et identifié par la couleur rose. Sur la coupe, les 3 époques du Trias sont distinctes :- Le Buntstandstein (mauve clair) constitué en grande partie de grès, dont le grès des Vosges.
- Le Muschelkalk (mauve intermédiaire), marno-calcaire.
- Le Keuper (mauve foncé), dolomies, marnes et grès.
Le Jurassique, décliné en 3 époques :
- Le Lias ou Jurassique inférieur (bleu foncé) à dominante marneuse.
- Le Dogger ou Jurassique moyen (bleu intermédiaire), pratiquement calcaire en totalité.
- Le Malm ou jurassique supérieur (bleu clair), marno-calcaire.
Le Crétacé, scindé en 2 époques :
- Le Crétacé inférieur (vert foncé), sableux et argileux.
- Le Crétacé supérieur (vert clair), à dominante carbonatée.
Après le Crétacé, on quitte l’ère secondaire pour entrer dans l’ère tertiaire (en jaune sur la carte). L’ère tertiaire verra le retrait définitif de la mer et la fin des dépôts sédimentaires, à l’est du Bassin parisien.
NB : le lecteur trouvera en fin de cet article, au chapitre « Documents », une carte géologique plus détaillée de l’Est du Bassin parisien.
En observant la position géographique de ces auréoles, on peut déjà constater que le Dogger constitue l’ossature ou le support calcaire du Plateau de Langres et, c’est bien cette particularité que nous allons explorer dans la suite de cet article.
- Crédits: Jean Gallier
LES MOUVEMENTS TECTONIQUES
Comme nous l’avons évoqué en début de cet article, les mouvements tectoniques sont venus perturber le bel ensemble des dépôts sédimentaires du Bassin parisien. Celui-ci a subi des déformations ou gauchissements, à toutes les époques géologiques.
Mais, ce n’est qu’à l’ère Tertiaire, que ces mouvements ont atteint leur pleine amplitude [6], pour se confirmer au plio-quaternaire [7].
Ces mouvements sont provoqués par le déplacement des plaques tectoniques constituant l’écorce terrestre. A la période qui nous concerne (tertiaire et plio-quaternaire), les conséquences les plus spectaculaires de ces déplacements ont été l’orogénèse des Pyrénées et des Alpes.
L’érection de ces deux massifs a eu un impact sur tout le relief de la France, dont le Bassin parisien et notamment dans sa partie sud-est.
Pour comprendre cet impact, je laisse la parole à Robert Wyns [8] du BRGM.
« L’influence des chaînes de collision comme les Pyrénées et les Alpes sur la morphologie de leur avant-pays résulte pour l’essentiel de phénomènes de flambage [9] en contexte compressif : soumise à une compression horizontale, une plaque lithosphérique [10] commence à se raccourcir, selon la direction de compression, par le fonctionnement de failles inverses [11] et de failles décrochantes [12].
Puis, toujours en phase de compression, la plaque lithosphérique se « gondole » en formant de grandes ondulations à l’échelle de la lithosphère. La largeur des plis est d’environ 5 fois l’épaisseur de la lithosphère ; la lithosphère d’Europe de l’ouest étant épaisse de 100 km, la largeur des plis est d’environ 500 km. L’amplitude du soulèvement dans les plis « anticlinaux » est de l’ordre de 1 km.
Au Tertiaire, on a eu un premier épisode de flambage du début du Tertiaire jusqu’à la fin de l’Eocène moyen, en relation avec la compression pyrénéenne : la zone comprise entre la vallée de la Seine et la vallée de la Garonne a été soulevée, érodée (aplanie) et altérée. Puis ce soulèvement a disparu.
Egalement, à la fin de l’Eocène moyen, Le Fossé bressan (ou Val de Saône) s’est ouvert comme tous les autres grabens [13] ouest-européens [14], en contexte décrochant correspondant à la fin de la compression pyrénéenne.
Ensuite,lors d’une phase de distension, les failles bordières, initialement décrochantes, ont évolué en failles normales [15] (phase de distension) pendant l’Eocéne supérieur et l’Oligocène , ce qui a provoqué un premier affaissement du Fossé bressan, avec fragmentations entre les multiples failles.
A la fin de l’ère tertiaire, un nouvel épisode de flambage lithosphérique s’est développé à partir du Miocène supérieur, en relation avec la compression alpine, et il est toujours actif : c’est le « bourrelet péri-alpin » qui s’étend autour de l’arc alpin, du sud du Massif Central (Causses) jusqu’en Bohême, en passant par le Morvan, le seuil de Bourgogne, le seuil de Lorraine, les Vosges et la Forêt Noire. Ce bourrelet mesure en moyenne 500 km de largeur pour une altitude comprise entre 500 m et 1000 m ».
- Crédits: Robert Wyns in « Le Bassin parisien, un nouveau regard sur la géologie », J.P. Gély et F. Hanot éd., Association des Géologues du Bassin de Paris, § « Le Bassin parisien du Tertiaire à l’Actuel » p. 85-93.
- Le bourrelet péri-alpin et son impact sur le sud-est du Bassin parisien
Le schéma suivant montre l’impact du bourrelet peri-alpin sur l’auréole du Dogger et sur le Plateau de Langres en particulier.
- Crédits: Jean Gallier
- Interférence du bourrelet péri-alpin avec l’auréole du Dogger
Juste après le soulèvement du Seuil de Bourgogne à la fin du Miocène et début du Pliocène, lors d’une nouvelle phase de distension, le Fossé bressan s’affaisse à nouveau au Pliocène [16].
Par conséquent, nous assistons, à la fois, au relèvement de la bordure sud-est du Bassin parisien par la formation du bourrelet péri-alpin pour créer à cet endroit le Seuil de Bourgogne, et à l’effondrement du Fossé bressan pour former le Val de Saône [17].
Ce nouvel agencement va participer à la création de la grande ligne de partage des eaux transeuropéenne actuelle, faisant la séparation des eaux Atlantique/Méditerranée, c’est-à-dire, la séparation nette entre Bassin de Paris (Bassin versant séquanien) et Val de Saône (Bassin versant rhodanien).
Comme l’explique Robert Wyns, ces mouvements ont été précédés et accompagnés d’un système de failles complexe, notamment dans la zone de transition entre le soulèvement du Seuil de Bourgogne et l’effondrement du Fossé bressan.
Il est impossible de désigner toutes ces failles et nous renvoyons le lecteur à une carte géologique.
Pour traiter du Plateau de Langres, il faut retenir :
Dans une direction est-ouest :
- La faille de Chalindrey,
- La faille de Chassigny.
Dans une direction méridienne :
- Une zone de failles très dense (plus d’une centaine de failles), entre Dijon et la faille de Chassigny. Comme expliqué plus haut, cette zone fait la transition entre la partie la plus élevée du Plateau de Langres (le Seuil de Bourgogne) et l’effondrement du Fossé bressan (Val de Saône).
- Crédits: Jean Gallier
- Seuil de Bourgogne
Comme le souligne Robert Wyns, la compression alpine ainsi que le flambage du bourrelet péri-alpin sont toujours actifs. Ainsi, le massif alpin continue de gagner quelques millimètres par an, « le seuil de Bourgogne continue de se soulever, près de 1 mm par an près de Langres et, à l’inverse, la partie nord du Fossé bressan, à l’est de Dijon jusqu’au Fossé rhénan, s’abaisse » [18].
Si on examine maintenant la carte du bourrelet péri-alpin au niveau européen, on notera que le sud-est du Bassin parisien, pas plus que le Fossé bressan, ne sont affectés par le volcanisme engendré par la formation de ce bourrelet péri-alpin. Malgré ces déformations, malgré ces failles, Pierre Rat [19] fait remarquer que « la Bourgogne reste une région calme. Ses failles ne bougent pas de façon inquiétante : le séisme dont l’histoire a conservé le plus mauvais souvenir, celui de 1356 qui a fait des destructions dans Dijon, avait son épicentre près de Bâle ».
- Crédits: Robert Wyns – BRGM
- Le bourrelet péri-alpin et le volcanisme associé (en violet)
L’EROSION
Comme nous l’avons vu dans la vidéo, les dépôts sédimentaires alternent couches dures (grès, calcaires) et couches tendres (marnes, argiles).
Ces dépôts ont subi les mouvements de subsidence suivis par une phase de pénéplanation telle que représentée sur la coupe schématique reprise ci-après.
- Crédits: ULB - Geog-F-102-TP - B. Van Liefferinge
L’érosion fluviale [20] et périglaciaire [21] vont naturellement attaquer toutes les couches et, en priorité, les couches les plus tendres. Ce creusement est d’abord vertical, puis frontal dans le sens du pendage (érosion régressive). Quand les couches tendres sont déblayées, les couches résiduelles les plus dures, privées de support, s’effondrent et sont évacuées à leur tour. Ce type d’érosion crée une dépression, au pied de la côte, dite subséquente (ou orthoclinale) - c’est-à-dire, perpendiculaire au pendage des couches - faisant ainsi apparaître une cuesta [22], avec un front (talus en pente forte) mais aussi, avec un revers (plateau en pente modérée), car l’érosion agit sur toute la surface de la pénéplaine. Se reporter aux deux schémas ci-dessous.
- Crédits: fond de carte ULB - Geog-F-102-TP - B. Van Liefferinge, complété par J. Gallier
- Crédits: ULB - Geog-F-102-TP - B. Van Liefferinge
Plus le pendage des couches est prononcé et plus les cuestas sont rapprochées et, compte tenu du nombre très important de dépôts sédimentaires dans le Bassin parisien, on obtient la surface festonnée actuelle, formée d’alternances de roches dures et de roches tendres, déterminant l’existence d’autant de cuestas.
Ainsi, à l’est du Bassin parisien, on identifie les cuestas, ou côtes, suivantes (d’est en ouest) :
Les Côtes de la retombée vosgienne :
La côte du Buntsandstein, du nom de l’époque géologique correspondante, appartenant à la période du Trias, en appui direct sur les Vosges cristallines. Cette côte est constituée principalement par le grès des Vosges (ou grès rose des Vosges). Avec le Buntsandstein, on démarre l’ère secondaire.
La Côte de Lorraine ou cuesta du Muschelkalk, du nom de l’époque géologique correspondante, appartenant à la période du Trias.
La cuesta infraliasique [23] du Rhétien, du nom de la couche, ou étage, appartenant à l’époque du Keuper, de la période du Trias. Cette côte n’a pas de « nom propre ».
La cuesta domérienne, du nom de la couche ou étage appartenant à l’époque du Lias et, plus précisément du Lias moyen, de la période du Jurassique. Comme toutes les cuestas, c’est une couche dure, constituée ici de grès médioliasique [24]. Cette côte n’est pas toujours citée dans les ouvrages, car elle n’apparaît que sur un secteur d’auréole.
Elle est surtout visible depuis la faille de Chassigny au sud, jusqu’à Châtenois au nord. Ensuite, plus au nord, elle est nettement plus mince, voire invisible.
Cependant, là où elle est visible, la cuesta domérienne est très proche de la cuesta bajocienne et, forme ainsi une cuesta double avec celle-ci. Cette caractéristique est propre au nord du Plateau de Langres, nous allons y revenir.
Cette cuesta est également dépourvue de « nom propre ».
La Côte de Moselle, ou cuesta bajocienne, du nom de la couche ou étage appartenant à l’époque du Dogger, de la période du Jurassique. Le Bajocien supérieur est constitué de calcaire oolithique dur [25].
« C’est la plus nette des grandes cuestas de la Lorraine centrale et la première qui se continue au sud, jusqu’à constituer les limites festonnées et faillées du Plateau de Langres et du Seuil de Bourgogne » [26].
Le Plateau de Langres commence à se dessiner…
La Côte de Meuse, ou « cuesta oxfordienne (anciennement Rauracien/Argovien) » [27]. Ses couches, ou étages, appartiennent à l’époque du Malm, de la période du Jurassique.
La Côte des Bars, ou cuesta du Portlandien/Kimméridgien. Nous sommes toujours à l’époque du Malm, de la période du Jurassique.
La Côte d’Argonne, ou cuesta de la gaize [28]. Cette côte n’apparaît que sur un petit secteur d’auréoles, au nord du Bassin parisien. A partir de cette côte, nous quittons la période du Jurassique, pour entrer dans la période du Crétacé.
La Côte de Champagne, ou cuesta turonienne, du nom de la couche ou étage appartenant à la période du Crétacé.
La Côte d’Ile-de-France, ou falaise d’Ile-de-France. En quittant le Crétacé, nous sortons définitivement de l’ère Secondaire pour entrer dans l’ère Tertiaire. De même, cette côte termine la série des cuestas de l’est du Bassin parisien.
On peut visualiser toutes ces côtes sur la carte du relief de l’est de la France, ci-après.
- Crédits: Fond de carte d’Yvonne Battiau-Queney_Le relief de la France - Coupes et croquis_Masson géographie - 1993_Complété par Jean Gallier
NB : la Côte d’Ile-de-France à l’ouest, et la Côte du Buntsandstein à l’est, sont en dehors de cette carte.
A partir de cette carte, il est facile de comprendre que le Plateau de Langres est constitué par le revers de la côte de Moselle, ou cuesta bajocienne (en bleu sur la carte). Ce revers est appelé, par les géomorphologues, surface d’érosion tertiaire pré-pliocène, du nom de l’ère et de l’époque où cette érosion a eu lieu.
Le revers et le front forment un ensemble indissociable mais ici, le front a une forme bien particulière. Nous avons vu, précédemment, qu’il existait une cuesta domérienne, extrêmement proche de la cuesta bajocienne. Le revers de la cuesta domérienne est limité à quelques milliers de mètres [29], voire moins. De par ce rapprochement, la cuesta domérienne présente un relief en forme de ressaut ou de « marche d’escalier », sur le front de la cuesta bajocienne. Il ne s’agit pas de deux cuestas rapprochées mais d’un système où l’une est en appui sur l’autre pour atteindre une altitude plus importante. Ce relief constitue ce que les géomorphologues appellent une « cuesta double ». Le Plateau de Langres inclut naturellement cette cuesta double. Les deux schémas ci-après seront plus explicites.
- Crédits: Jean Gallier
- Crédits: Jean Gallier
Cette cuesta double est liée à la visibilité simultanée de la cuesta domérienne et de la cuesta bajocienne, ce qui est le cas au nord de la faille de Chassigny, où les mouvements tectoniques ont été peu destructeurs. Par contre, il n’en va pas de même au sud de cette faille et donc, au sud du Plateau de Langres, comme nous l’avons vu au chapitre des mouvements tectoniques.
Ainsi, dans la partie sud du Plateau de Langres, ce qui aurait pu être le revers ou structure monoclinale d’une cuesta, se retrouve sous la forme d’un bombement prononcé du plateau, appelé Seuil de Bourgogne, élément constituant du Seuil morvano-Vosgien (Cf. § Les mouvements tectoniques).
Au sud-est du Plateau de Langres, entre le Seuil de Bourgogne et la plaine de la Saône (ou fossé bressan), ce n’est qu’un champ de failles et un chaos géologique.
Une faille particulièrement remarquable, du nom de Faille de Chassigny, marque la limite absolument nette entre la cuesta double au nord (décrite précédemment), et ce relief « ruiné » au sud, faisant la transition entre le Seuil de Bourgogne et la plaine de la Saône.
Dans cette partie sud, le relief de cuesta n’a pas pu se former, comme au nord de la faille de Chassigny, faute d’une alternance régulière et continue entre couches géologiques dures et tendres, du fait, précisément, de l’effondrement du plateau à cet endroit.
Cependant, si la bordure sud-est de ce plateau a été détruite, le plateau lui-même n’en demeure pas moins, d’autant qu’il constitue la partie la plus élevée du Plateau de Langres, précisément par le fait de son soulèvement. Il est très visible depuis la N74 qui court au pied de sa bordure orientale, son commandement [30] étant supérieur à 200 m.
Le point culminant est la Roche Aigüe, (ou Signal de Mâlain appelé aussi Signal de Blaisy), à 605 m d’altitude, à l’extrême sud du Plateau, tout à côté des sources de la Seine.
On trouvera ci-après, une coupe schématique du Plateau de Langres au sud de la faille de Chassigny.
- Crédits: Jean Gallier
Sur le plateau, comme au nord de la faille de Chassigny, les couches sédimentaires postérieures au Bathonien ont été déblayées par l’érosion, alors que les compartiments effondrés ont conservé la partie supérieure du Dogger (Calovien) et une grande partie des couches du Malm.
D’autre part, l’agencement chaotique de ces blocs d’effondrement, dans cette zone du plateau, ne permet pas d’en tracer la bordure Est en suivant une couche géologique précise. Aussi, sur la carte dynamique, en fin de cet article, le choix a été fait de fixer cette limite avec une courbe hypsométrique à 325 m d’altitude. Une délimitation, à cette altitude, présente un aspect géomorphologique très similaire à celui donné par la carte en relief du Géoportail de l’IGN.
LA VALLÉE
Sur les deux coupes du Plateau de Langres, on notera une bande de terre appelée « Vallée ». Il s’agit d’un territoire étroit, ayant pour nom propre « La Vallée », limité au nord-ouest, par le front de la Côte de Meuse et, de façon incertaine, par la partie la plus basse du revers de la Côte de Moselle constituée par le Callovien (dernière couche du Dogger).
Contrairement à son toponyme, c’est aujourd’hui une dépression sèche, perpendiculaire au pendage des couches. Elle s’étire depuis Ravières (dans le département de l’Yonne, à la limite de la Côte d’Or), en passant par Laignes, Châtillon-sur-Seine, Châteauvillain, Bologne, Andelot où elle est la plus étroite jusqu’à Neufchâteau. Elle continue ensuite, beaucoup plus loin vers le nord, pour arriver dans sa partie la plus large, la plaine de la Woëvre.
Pour être tout à fait précis, il reste de rares cours d’eau sur un parcours très bref au pied de la cuesta et parallèlement à celle-ci (cours d’eau subséquents [31]), comme le Rau de Bonnevaux, le Dardignan, la Manoise, la Saônelle.
La Vallée est traversée de façon orthogonale par des cours d’eau conséquents [32] venant du Plateau de Langres, comme La Seine, l’Ource, l’Aube, la Marne. Ces cours d’eau conséquents sont responsables de la forte indentation de la Côte de Meuse.
SYNTHÈSE SUR LE BASSIN PARISIEN ET LES CUESTAS
Nous savons maintenant que le Plateau de Langres est supporté par l’auréole du Dogger, délimitée de façon circonférentielle, à l’intérieur par la Côte de Meuse et, à l’extérieur par la Côte de Moselle ou, par la cuesta double quand celle-ci est visible.
LES LIMITES DU PLATEAU DE LANGRES
- Crédits: Jean Gallier
CONSTAT
Après avoir établi que le Plateau de Langres appartenait à l’auréole du Dogger, il reste maintenant à définir, sur cette circonférence, la dimension du secteur correspondant au Plateau de Langres. Comme le Dogger est l’ensemble géologique définissant toute l’auréole, il apparaît tout de suite que la délimitation d’un secteur, sur cette auréole, ne peut pas être géologique.
Cette délimitation peut être géomorphologique, à condition qu’il existe un changement net de relief. Dans la négative, on est obligé de rechercher d’autres critères que géologiques et géomorphologiques. On peut se tourner alors vers la géographie régionale et l’hydrographie.
LIMITE SUD-OUEST DU PLATEAU DE LANGRES
A l’ouest de la ligne de partage des eaux et au sud du plateau, les couches du Dogger ont pratiquement été entièrement déblayées par l’érosion et, plus précisément, par les affluents de l’Yonne. Il ne reste plus que des lambeaux de ce plateau du Dogger ou, plus exactement des « lanières », rattachées encore au plateau d’origine par une faible bande calcaire que traverse la ligne de chemin de fer du PLM, par le tunnel de Blaisy-Bas.
Cette région, appelée l’Auxois laniéré par Gérad Mottet [33], correspond au Haut-Auxois. L’Auxois a un caractère, des paysages, une agriculture, qui lui sont propres. Ses attributs en font une région parfaitement identifiable, qui ne peut être confondue avec le Plateau de Langres.
La cuesta bajocienne est bien visible au nord de la ligne de chemin de fer du PLM, là où elle n’a pas subi le découpage en lanières par les affluents de l’Yonne.
Aussi, la séparation, entre le Plateau et l’Auxois, se fait naturellement par la voie ferrée du PLM. Ce n’est pas un hasard si les constructeurs de cette ligne ont choisi un couloir correspondant aux points les plus bas du relief. Précisons cependant, que le fond de la vallée empruntée par le chemin de fer, ainsi que les agglomérations qui s’y trouvent, n’appartiennent pas au Plateau de Langres en surplomb, mais bien à l’Auxois.
A l’est de la ligne de partage des eaux et donc, à l’est du tunnel de Blaisy-bas, c’est encore la même voie ferrée qui va faire la séparation, tout en empruntant une partie de la vallée de l’Ouche. Cette rivière encercle le massif de la Côte d’Or [34], en détachant totalement celui-ci du Plateau.
Là encore, le massif de la Côte d’Or a une identité propre qui ne peut faire l’objet d’aucun rapprochement avec les régions voisines.
En synthèse, le chemin de fer du PLM constitue un bon repère pour la limite sud-ouest du Plateau de Langes, de Dijon à Nuits (ou Nuits sous Ravières), tout en considérant que les vallées concernées par cette limite appartiennent aux régions désignées au sud, et pas au Plateau de Langres.
LIMITE NORD DU PLATEAU DE LANGRES
Au nord de ce plateau, on ne trouve aucun changement de relief significatif, le Dogger se prolonge vers le nord, de façon uniforme en tant que revers de la Côte de Moselle. On peut, alors se tourner vers la géographie régionale.
Au nord, après le Plateau de Langres, il y a le Pays de Haie (de Haye). Bertrand Auerbach [35] définit la limite sud de ce pays par le Vair, affluent rive droite de la Meuse. Par conséquent le Vair fera aussi office de limite nord pour le Plateau de Langres. Cette séparation est d’ailleurs confortée par l’hydrographie. En effet, la Meuse [36] fait partie intégrante du Plateau de Langres, au même titre que la Seine au sud. Elle est un cours d’eau conséquent de celui-ci. On ne peut donc pas couper la Meuse avant que celle-ci soit sortie du Plateau de Langres et de la Vallée. Ainsi, la Meuse quitte le plateau, précisément à Neufchâteau. Par conséquent, la limite nord du Plateau de Langres se positionne immédiatement après cette ville, le Vair marquant la séparation d’avec le Pays de Haie (de Haye).
Remarque.
On trouve sur certaines cartes, encore de nos jours, l’indication « Bassigny » entre Chaumont et Neufchâteau. Ce libellé ne doit plus avoir cours aujourd’hui. Lucien Gallois [37] et Georges Chabot [38] ont rectifié cette erreur. Le lecteur pourra, sur ce même site, consulter deux articles expliquant la position du Bassigny d’aujourd’hui, à l’est du Plateau de Langres : LE BASSIGNY de Lucien GALLOIS et LE BASSIGNY d’AUJOURD’HUI.
SYNTHÈSE DES CONTOURS DU PLATEAU
- Crédits: Fond de carte d’Yvonne Battiau-Queney_Le relief de la France - Coupes et croquis_Masson géographie - 1993_Complété par Jean Gallier
- Le Plateau de Langres
Ainsi se dessine le « grand Plateau de Langres », que certains appellent le « Plateau de Langres-Châtillonnais ».
La carte hypsométrique ci-dessous permet de bien détacher le Plateau de Langres de son environnement à une altitude plus basse.
On voit très nettement aussi le soulèvement de la partie sud-est causé par le bourrelet péri-alpin.
- Carte hypsométrique du Plateau de Langres
- Nicolas ROBINET – Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine (UGA) – UMR PACTE- CERMOSEM
Source des données : IGN BD ALTI R 75m (licence ouverte) © les contributeurs d’Open StreetMap, 2018.
On trouvera, en fin de cet article, une carte dynamique de ce grand plateau, avec les repères suivants :
1. Côte de Moselle ou cuesta bajocienne, au nord-est.
2. Cuesta domérienne, au nord-est.
3. Faille de Chalindrey.
4. Faille de Chassigny.
5. Côte de Meuse ou cuesta oxfordienne, à l’ouest.
6. Limite hypsométrique à 325 m
7. Côte péri-morvandelle
8. Le Vair.
9. Seuil de Bourgogne.
10. Partage des eaux Atlantique/Mer du Nord.
Mettre la carte dynamique en plein écran puis, en zoomant sur celle-ci, chacun pourra naviguer le long des tracés délimitant le Plateau de Langres, de façon relativement précise, et utiliser différents fonds de carte (carte Google terrain recommandée).
Le visiteur pourra essayer aussi d’identifier les principaux points culminants, comme par exemple (du nord au sud) : Le Fort de Dampierre 512 m - Le Haut du Sec 516 m - Le Haut de Baissey 523 m - Le Champ Montot 513 m - Le Petit Formont 513 m - Le Mont Saule 510 m - La cote 527 m à la Coupe Guyot - La cote 563 m à Saussy - Le Mont Oiseau 589 m - Le Mont Tasselot 598 m - La Roche Aigüe 604 m.
Bonne promenade.
LES GRANDES ENTITÉS PAYSAGÈRES DU PLATEAU DE LANGRES
Celles-ci sont indiquées sur la carte dynamique ci-dessous par des fonds de couleur.
Relief tabulaire => Vert
Relief de failles => Marron
Les petits causses de Neufchâteau [39] => Turquoise
Le Langrois ouvert => Gris clair
La Vallée => Jaune
LA MONTAGNE DE LANGRES PAR BUFFON
- Reproduction carte de Buffon
LE PARC NATIONAL FORESTIER BOURGOGNE - CHAMPAGNE
• Cœur du Parc – Fond vert foncé
• Aire d’adhésion – Fond vert clair
• Aire optimum d’adhésion – Pourtour vert foncé
Précision : les contours représentés du Parc National Forestier ne sont pas des limites naturelles, mais les limites administratives des communes concernées.
LES RÉGIONS NATURELLES AUTOUR DU PLATEAU DE LANGRES
- Crédits: Jean Gallier
- Les régions naturelles autour du Plateau de Langres
FORUM
Si vous avez des questions ou suggestions à propos de cet article, n’hésitez pas à aller sur le FORUM à la fin de ce document.
REMERCIEMENTS
Je ne terminerai pas cet article sans remercier chaleureusement M. Robert Wyns pour son éclairage sur la formation du bourrelet péri-alpin, M. Nicolas Robinet pour ses talents de cartographe, ainsi que MM. Jacques Bochaton, Jean-Noël Guyenet et Jacques Ricour, qui ont bien voulu me relire et qui m’ont prodigué leurs conseils avisés.