En cette fin de XIXe siècle, les ingénieurs chargés du projet de cette voie fluviale ont deux problèmes à résoudre : le franchissement du plateau de Langres et l’approvisionnement en eau étant donné que nous nous trouvons dans la région où naissent les principales rivières (Marne, Vingeanne). Leur débit est très faible à la belle saison.
Le premier défi trouve sa solution par le passage du bief de partage dans un tunnel de 4 820 mètres passant sous le village de Balesmes. D’un peu plus de 10 kilomètres, il joint le versant Marne au versant Saône à Heuilley-Cotton.
Le second défi consiste à créer des réservoirs suffisamment importants pour alimenter le bief de partage ainsi que les premiers biefs sur les deux versants. Plusieurs projets sont élaborés. Celui qui recueille tous les avantages se situe dans le vallon de la rivière la Liez, affluent de la Marne. Il est proche du pont le plus élevé du canal et se trouve à une altitude supérieure (+ 14,40 mètres), ce qui doit permettre un écoulement naturel des eaux par gravité grâce à une rigole d’alimentation.
Les travaux de la digue.
- La digue de la Liez
Ils sont précédés par l’expropriation des terrains situés dans l’emprise de la retenue d’eau. D’âpres discussions ont lieu entre l’administration et les propriétaires.
Deux fermes : la grange Marivetz sur le territoire de Lecey et la grange Pioche sur celui de Châtenay-Macheron doivent disparaître sous les eaux. Une partie de la forêt de ce dernier village subira une coupe intégrale.
A la fin de l’année 1881, les travaux peuvent enfin débuter. Ils consistent en la construction d’une digue en terre de 459 mètres de long qui doit barrer le vallon. Elle sera prolongée par un ouvrage de décharge équipé de 4 vannes permettant d’accélérer l’évacuation des eaux excédentaires vers l’aval du barrage dans le lit naturel de la rivière la Liez pour rejoindre la Marne à quelques centaines mètres de là.
La tour de restitution des eaux construite dans l’emprise de la digue est équipée de deux vannes : l’une est au fond, l’autre à mi- profondeur. Leur maniement permet de régler le débit nécessaire au bon fonctionnement du canal. La rigole d’alimentation de 1 222 mètres conduit ces eaux dans le bief de partage à proximité de l’écluse des Batailles, lieu le plus élevé de toute la voie fluviale.
La digue en terre corroyée de 61 mètres dans sa plus grande largeur à la base, prend ses appuis sur un mur ancré de 5,70 mètres dans le sol naturel du fond du vallon. Il est prévu qu’elle s’élève à 16,50 mètres de largeur à son sommet.
La terre nécessaire à l’édification de cet ouvrage provient des fondations et du creusement de la rigole et du canal voisin. Elle arrive sur le chantier par des wagonnets tirés par des chevaux. Mélangée à du sable, elle est étalée en couches successives puis tassée. Ces premiers travaux exécutés manuellement ne donnent pas satisfaction.
EN 1882, il faut les reprendre. Pour la première fois une machine expérimentale entre en action. Il s’agit d’une herse-rouleau munie d’un cylindre compresseur mue par une locomobile à vapeur.
La pente amont du barrage est protégée par un parement de pierres maçonnées formant des gradins de 1,70 mètre de hauteur séparés par des banquettes de 1 mètre de largeur. Ces pierres arrivent par chariots en provenance des carrières de Cohons et de Saints-Geosmes.
Après de multiples incidents qui retardent le chantier, il s’achève en 1886 et donne naissance à une retenue d’eau d’un peu plus de 270 hectares pour un volume de 16 millions de mètres cubes, ce qui constituera le plus grand lac artificiel de France.
Le chantier et les hommes.
En ce commencement de XXIe siècle où la technique règne en maîtresse, on a beaucoup de peine à imaginer ce que furent ces travaux. Une véritable fourmilière de terrassiers, tailleurs de pierre, maçons, rouliers s’activent à la construction.
Ces hommes sont pour la plupart étrangers à la région. Ils viennent de contrées éloignées poussés par la misère et le manque de travail. La majorité est constituée d’Italiens qui fuient leur pays suite aux événements tragiques qui s’y sont déroulés quelques années auparavant.
Cantonnées dans des baraquements en bois construits dans des villages environnants, ils perturbent la vie paisible des habitants en commettant toutes sortes d’actes délictueux plus ou moins graves.
Cas faits entretiennent un sentiment d’hostilité et de haine envers ces populations émigrées. Il faut souvent faire appel aux forces de l’ordre pour ramener un peu de sérénité en ces lieux.
Après 130 ans d’existence, notre barrage vient de subir d’importants travaux consistant à effacer les outrages du temps mais aussi à conforter l’ouvrage afin qu’il réponde à plus de sécurité.
Roland PETIT
La Liez d’hier à aujourd’hui.
- Les bords de la Liez
- Les bords du réservoir de la Liez
- Les bords de la Liez aujourd’hui
- La Liez de nos jours
- Aménagements des abords de la Liez
- Plage de la Liez
Petite anecdote.
Charles Royer
(20 mai 1848-16 août 1920)
Né à Langres, il fit ses études secondaires au petit séminaire et commença son droit chez l’avocat langrois Jean Louis Perrin. Il n’éprouvait qu’un enthousiasme modéré pour les études juridiques et les abandonna rapidement pour aller suivre des cours de peinture, à Paris, dans l’atelier de Henner, dont il devient un des élèves favori. Mais malgré les agréments du séjour, il revint rapidement à Langres pour ne plus quitter la ville. Il partage sa vie entre cinq passions : la peinture, l’archéologie, les collections les études naturalistes et la pêche car ce fut un disciple passionné de saint Pierre.
Habitant un hôtel classique au 19 de la rue des Encommencés qui deviendra plus tard, rue des frères Royer, aidé de son frère Joseph, ils transformèrent celui-ci en véritable musée.
Son amour de la pêche l’entraina dans une querelle avec le député-maire de Langres sous secrétaire d’état, qui a nécessité cinq ans de procédure et un recours à une loi d’amnistie.
Cette « clochemerlesque » affaire qui a pour cadre le lac de la Liez et qui dans la presse locale prit le nom de « guerre des pinguets et des saumons » est rapportée dans un bulletin de la société historique et archéologique de Langres.
Pierre Gariot : La guerre des pinguets et des saumons, Bull. Shal, tome XXIV, n° 356, pp419-425
Voyez également :
* Le lac réservoir de Charmes
* La digue de Saint-Ciergues
* Lac de Villegusien ou réservoir de la Vingeanne
* Le canal de Champagne en Bourgogne
* L’alimentation en eau du canal de Champagne en Bourgogne