L’énigmatique tourbière
Inquiétant et attirant à la fois, le Grand Marais a, de mémoire d’hommes, toujours eu des relations énigmatiques avec les habitants du village. Quelques générations en arrière ont prétendu qu’une butte en ces lieux empêchait de voir le clocher de Champigny-sous-Varennes, pourtant de proximité immédiate. La légende raconte qu’un attelage s’y serait englouti à jamais. Il est encore aujourd’hui des habitants qui se souviennent des classes-promenades organisées par l’instituteur pour aller observer le drosera glouton d’insectes. Généreuse au niveau du Petit Marais par la production de belles récoltes de légumes et légumineuses, la tourbière n’a jamais bien toléré que l’on outrepasse certaines limites. Inutile de rapporter un seau de tourbe dans votre jardin pour l’enrichir ! Vouloir assainir ou assécher la tourbière est aussi une peine perdue ! Un mémoire en date du 1e Floréal an XI par le citoyen Douette-Richardot et un remembrement en 1977 en ont donné les preuves.
Une des plus belles tourbières du Nord-Est de la France
Pour avoir souvent fréquenté le marais, un enfant du pays devenu maire, Robert Siméant a compris la tourbière et trouvé le moyen d’être en paix avec elle, lui permettre de rester ce qu’elle est et la préserver dans ce qu’elle a d’exceptionnel. Pour cela, il ne recula devant aucune démarche, entre autres : celle de retrouver une lointaine propriétaire d’une parcelle, à qui l’on avait laissé croire à une possible exploitation pétrolière après la guerre. Grâce à celui qu’on a surnommé « l’enfant du marais » (en référence au film de l’époque avec Michel Serrault), le Grand Marais fut classé par le Ministère de l’Environnement en 1982 comme Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique (ZNIEFF) à l’Inventaire du Patrimoine naturel de Champagne-Ardenne. Il occupe une surface d’une quinzaine d’hectares.
Post-glacière, cette tourbière doit son origine à l’émergence de sources artésiennes chargées en minéraux. Celles-ci proviennent de la circulation d’eaux souterraines et remontent en raison d’une discontinuité des niveaux marno-gypseux en déposant calcium et magnésium à leur émergence. Ces sortes de cheminées empruntées par les eaux forment des puits naturels très profonds, l’un d’eux est facilement observable dans le marais de Chézeaux. Compte tenu du milieu, la flore et la faune y sont particulièrement riches et typiques, et certaines espèces en voie de disparition.
Aller au cœur de la tourbière alcaline
- Crédits: Michel Thénard
- Sur les caillebotis, on ne risque pas de s’enliser !
Un premier aménagement en sentier découverte fut effectué. Un caillebotis permit d’aller au centre de la tourbière. Depuis 2013, la tourbière est devenue traversable grâce au prolongement du circuit en caillebotis. Un poste d’observation en plongée sur le grand puits a été aménagé et la pose de pontons avec ou sans main courante pour enjamber de petites zones à risques. Le parcours, avec les mises en garde de sécurité qui s’imposent, offre ainsi un bon cours de sciences naturelles grâce à des bornes informatives. On apprend que l’on peut y rencontrer des criquets ensanglantés, des variétés de papillons (l’aurore, le Robert le diable, la carte géographique…), de libellules et demoiselles, d’oiseaux (le faucon crécerelle, le loriot d’Europe…), de batraciens (le sonneur à ventre jaune, la grenouille verte, la rousse...). Il suffit de bien observer à travers les roseaux, les laîches sur leurs touradons, (petites buttes végétales), les télyptéris des marécages, le houblon, les iris et populage au milieu d’arômes aquatiques où dominent çà et là des notes florales de menthe.
Michel Thénard
Avertissement :
Visiteurs, soyez prudents. Le marais comporte des zones dangereuses. Vous êtes priés d’emprunter uniquement les caillebotis et les sentiers balisés. Les enfants devront être accompagnés.
Sur le Web :
- INPN, ZNIEFF 210009525 - GRANDS MARAIS DE CHAMPIGNY-CHEZEAUX - Commentaires
- Les grands marais de Chezeaux
- Office de tourisme de Fayl-Billot