En 1657, la Chambre de Ville entreprit la plantation d’une vaste allée bordée d’arbres (des « tillotz » : tilleuls) constituant la promenade menant à la fontaine Blanche. Malmenés par les laboureurs indélicats et les moutons avides de jeunes pousses, ils durent être remplacés au cours des années suivantes. Entre 1733 et 1736, des contre-allées furent plantées afin d’élargir la promenade. Elle devint rapidement la promenade favorite des Langrois qui appréciaient ses ombrages rafraîchissants, ses vues sur la vallée de la Bonnelle et l’enchantement final de sa fontaine. Désormais trait d’union vert entre la ville ancienne, les « quartiers neufs » et la citadelle, le parti de cette promenade reste original ; elle est trop étirée pour être un parc, trop touffue pour être « à la française » et trop linéaire pour être « à l’anglaise ». En 1976, les tilleuls séculaires furent renouvelés et remplacés par de nouvelles plantations.
Mais cette promenade est inséparable de sa fontaine qui lui a donné son nom. Il semble bien qu’elles furent réalisées en même temps : la construction de la « grotte » (l’édicule abritant la source) et des deux bassins supérieurs en terrasse pourrait elle aussi dater de 1657. En 1678, l’échevinage décida de réaliser « un bassin avec un jet d’eau en la fontaine Blanche, au-dessous du dernier ». La disposition des trois bassins successifs à flanc de pente que l’on peut encore voir date donc de la fin du XVIIe siècle. C’est celle que Denis Diderot a connu et qui lui procure sa profonde singularité.
En 1755 et 1758, l’architecte Claude Forgeot et le sculpteur Clément Jayet collaborèrent pour donner à cette fontaine l’esthétique qu’elle a conservée. La grotte fut entièrement reconstruite, ornée de « rocaille » et de statues (dont la fameuse grenouille en bronze donnant son nom à la fontaine). Elle fut surmontée d’une inscription latine (due au chanoine Claude Jandin) célébrant les récents travaux d’embellissement et faisant référence au projet (non réalisé) d’adduction d’eau de cette fontaine vers la ville intra-muros. Les bassins, terrasses et escaliers furent également restaurés. A l’époque, contrairement à aujourd’hui, un seul accès menait à cette fontaine. Depuis l’allée de Blanchefontaine qui se poursuivait jusqu’à l’arrière de la grotte, on descendait jusqu’à celle-ci par le somptueux escalier en pierre la contournant. L’effet ainsi produit devait être saisissant ; on découvrait au dernier moment l’enchaînement successif des terrasses où même le bruit de l’eau semblait avoir été délicatement étudié en fonction des bassins (ruissellements, cascades, jets...) ! Dans ses lettres à Sophie Volland, Denis Diderot, l’enfant du pays, décrit le plaisir qu’il éprouve à se promener à Blanchefontaine, d’où il peut admirer « le plus beau paysage du monde »…
Elle est classée parmi les Monuments Historiques depuis 1906.
Voyez également cette vidéo :
LANGRES - la promenade de blanchefontaine (fontaine de la grenouille)
Il s’agit de la plus importante et de la plus aboutie des fontaines de Langres. Elle fait partie, avec l’allée d’arbres qui y conduit, d’un ensemble formant une promenade très agréable et prisée par les langrois depuis sa création au XVIIème siècle.
Voici ce qu’en dit Diderot dans une lettre à Sophie Volland :
" À Langres, le 3 août 1759.
Voici, ma tendre amie, ma quatrième lettre.
...
Nous avons ici une promenade charmante ; c’est une grande allée d’arbres touffus qui conduit à un bosquet d’arbres rassemblés sans symétrie et sans ordre. On y trouve le frais et la solitude. On descend par un escalier rustique à une fontaine qui sort d’une roche. Ses eaux, reçues dans une coupe, coulent de là, et vont former un premier bassin ; elles coulent encore et vont en remplir un second ; ensuite, reçues dans des canaux, elles se rendent à un troisième bassin, au milieu duquel elles s’élèvent en jet. La coupe et ces trois bassins sont placés les uns au dessous des autres, en pente, sur une assez longue distance. Le dernier est environné de vieux tilleuls. Ils sont maintenant en fleur ; entre chaque tilleul on a construit des bancs de pierre : c’est là que je suis à cinq heures. Mes yeux errent sur le plus beau paysage du monde. C’est une chaîne de montagnes entrecoupées de jardins et de maisons au bas desquelles serpente un ruisseau qui arrose des prés et qui, grossi des eaux de la fontaine et de quelques autres, va se perdre dans une plaine. Je passe dans cet endroit des heures à lire, à méditer, à contempler la nature et à rêver à mon amie. Oh ! qu’on serait bien trois sur ce banc de pierre ! C’est le rendez-vous des amants du canton et le mien. Ils y vont le soir, lorsque la fin de la journée est venue suspendre leurs travaux et les rendre les uns aux autres. La journée a dû leur paraître bien longue, et la soirée doit leur paraître bien courte."
Denis Diderot
Lettres à Sophie Volland
Texte établi par J. Assézat et M. Tourneux, Garnier,
1875-77 (XVIII, pp. 367-370).
Voyez également : La fontaine de la grenouille
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