Pour l’écrivain, l’Amance donne son identité aux terres qu’elle irrigue, elle est la féminité qui fertilise sa vallée d’enfance. Dans un de ses derniers livres, « Mais enfin qui êtes-vous », Marcel Arland intitule un chapitre « Au pays d’Amance ». Le pays d’Amance a souvent été un refuge dans son enfance tourmentée et a ainsi formé un des soubassements de son œuvre. Loin de Varennes-sur-Amance, lors de la visite de concitoyens d’Amance à Brinville, Marcel Arland leur confiait fréquemment la mission de saluer le pays d’Amance pour lui. En grand paysagiste s’il a su parler de l’Auvergne, de la Bretagne et de la Sologne, il n’a jamais oublié son pays d’Amance.
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« Je rejoins alors près du Moulin des Près les enfants qui gardaient leurs vaches. La rivière, longtemps étroite et gainée de roseaux, s’évasait devant un barrage, pour retomber en cascades. Jusqu’au bord, nous étions chez nous ; par delà, c’était l’inconnu. Une herbe plus sombre, mêlée à des joncs, marquait la place d’anciens étangs où l’on faisait jadis rouir le chanvre ; ils n’étaient pas tous asséchés et dès la tombée du jour les grenouilles s’y mettaient à chanter. Non loin s’ouvrait un trou d’eau claire et sans fond, que l’on appelait : « La fontaine de la Carrosse » parce qu’une nuit, disait-on, un carrosse, voiture, bêtes et gens, s’y était englouti. »
Terre natale (Gallimard, 1946)
- Crédits: Michèle Bidaut
- "Je rejoins alors près du Moulin des Près les enfants qui gardaient leurs vaches... et dès la tombée du jour les grenouilles s’y mettaient à chanter."
« ...Et voyez : je connais, je reconnais ce pays qui peu à peu se dévoile. Je le prends par ses détours ; je le nomme à ses chemins, ses maisons, ses églises, son air léger, son harmonieuse étendue, à cette rivière, l’Amance, qui le partage et le recompose. « Votre Amance ! - Pardon ? - Ah ! ces hommes qui ont leurs racines ! »
« Arrêtons-nous devant l’église (on n’y entre plus) – sur ce terre-plein d’où l’on découvre un demi-cercle de vallées et de bois. A gauche, c’est l’Amance, c’est toujours l’Amance (j’en suis sûr) et à droite, ce chemin qui s’enfonce entre les peupliers, savez-vous où il conduit ?
« Au bout du monde, n’est-ce pas ? »
Proche du silence (Gallimard, 1973)
« Je vous remercie de votre pensée. Elle me touche d’autant plus qu’elle vient (à travers Cannes) de Chézeaux, de l’Amance, - de mon enfance dans un pays qui m’est resté cher. […] …enfant, que de fois ai-je suivi l’Amance jusqu’à Chézeaux, un livre en main ou non, et le cœur dans l’eau, l’herbe, le ciel, les songes, l’attente… »
Extrait lettre de Marcel Arland à M. Th. Bermond-Rapin, 11 déc. 1976.
« Chézeaux, l’Amance, Presles, les deux Coiffy... toute la « terre natale ». J’y suis resté si attaché, et elle m’a si profondément marqué, que, parfois, depuis quelques années, j’éprouve une sorte d’angoisse à la revoir. C’est que la plupart de ceux que j’y ai connus sont morts. C’est aussi que nos villages ont plus ou moins changé, que beaucoup de maisons sont désertes ou tombent en ruine (surtout du côté de Bourbonne), et que j’ai brusquement l’impression que les morts y sont plus présents que les vivants. Et l’on me dit, à Varennes même, que les jeunes gens ne veulent plus rester là, mais ce qui demeure, ce sont les formes fondamentales et l’esprit de cette terre, qui est à la fois harmonieuse et libre. Je garde confiance...
Cher « Pays d’Amance » ! Chaque année, je reçois une dizaine de lettres de personnes (Français ou Étrangers) qui viennent de le voir pour la première fois et qui ont été profondément émues… »
Extrait lettre de Marcel Arland à M. Th. Brinville, le 25 juin 1977
- Crédits: Michel Thenard
- Le Pays d’Amance
« Déjà, voyez, c’est presque un autre monde. Ce sont de grands bois, des clochers sur les hauteurs, des vaches lentes et songeuses dans les enclos, de vieilles maisons à l’écart des routes. – Il me semble que ce pays ne m’est pas tout à fait inconnu. C’est un pays indépendant, secret et sobre, un peu farouche, mais non point sans une intime douceur ; c’est un air pur, des clartés dans l’ombre et dans l’âme, partout je ne sais quoi de jeune et d’éternel. Tant de sources à mi-pente ou dans les ravins, tant de rivières qui vont courir le monde, que je peux nommer : l’Aube, la Seine, la Marne, la Meuse – et comment appelez-vous celle-ci, très loin, que j’entrevois au fond du cœur ? »
- Crédits: Michel Thenard
- "Déjà voyez, c’est presque un autre monde. Ce sont de grands bois, des clochers sur les hauteurs..."
- Crédits: Michel Thenard
- "...des vaches lentes et songeuses dans les enclos..."
« C’est mon quartier : le Pâquis [3].
Mon quartier, mais il me semble que toutes les autres parties du village se tournent vers lui : la grande rue, les magasins, l’école, l’église, le buste du sénateur ; plus loin, plus haut : le cimetière et nos tombes ; alentour, la libre étendue de la campagne : côtes et vallées, sources, ruisseaux, et l’Amance, les forêts sans fin, les masures à l’abandon dans les clairières. Oui, tout cela, je l’ai connu des yeux et du cœur, je le devine, je le sens, je le parcours : c’est un peu comme un don que l’on m’a fait, ou un dépôt qui me fut confié et dont je suis responsable… »
Ce fut ainsi (1979)
- Crédits: Cliché L. Merger - R. Champonnois, éditeur.
- "C’est mon quartier : le Pâquis..."
- Crédits: Michel Thenard
- Le quartier du Pâquis actuel avec la maison de Marcel Arland à droite
La maison avec la tourelle est appelée maison de "la Grande", du nom d’un personnage féminin du roman "Terre Natale" de Marcel Arland.
- Chapelle de Presles (Marcilly/Hortes)
« Demain, les jeux dans les vallées près de l’Amance ; l’aventure à travers les bois jusqu’au val de Bouillevaux, ses deux maisons qui croulent et ses ruches ; puis à la gorge d’Enfer, où nait et coule, dans l’ombre, une eau limpide ; enfin toujours à travers bois, jusqu’au vallon et à la chapelle de Presles, où l’on vient en pèlerinage à la mi-septembre. »
Marcel Arland et sa terre natale (Guéniot, 1981)
Chapelle de Presles
« J’ai raconté plus d’une fois quels étaient nos jeux, après l’école, dans la vallée de l’Amance : les feux de rameaux et d’herbe sèche que nous allumions sur la rive, les courses au long des saules et des trembles, les premières ombres, la brume qui descendait en automne - jusqu’à cette voix qui dans la brume me parvint un jour de l’autre rive, une voix de jeune fille ou de jeune femme, qui chantait, et je ne distinguais personne, mais la voix, je l’ai longtemps écoutée, surtout du cœur, et quand elle s’est tue, je la percevais encore. C’était la voix de notre Amance. »
- Crédits: Michèle Bidaut
- "...les premières ombres, la brume qui descendait en automne..."
« Je voudrais que cette vallée de l’Amance, où je fus jeune, devînt chère à tous nos amis. N’y trouveraient-ils pas un lien nouveau, un lien d’alliance et comme une patrie spirituelle ? Je voudrais aussi - mais à présent laissez-moi gagner les songes - que l’amitié s’étendît jusqu’aux morts, aux amis qui ne sont plus, mais que je ne peux oublier, que je porte chaque jour. Je voudrais vous les nommer un à un : c’est Paulhan ou Malraux, c’est Schlumberger ou Supervielle, Rouault, Campigli ou Follain ; d’autres encore qui s’annoncent, que je souhaiterais unir à nous, rassembler, invisibles, en Amance, puis, l’heure venue, confier à vos soins d’homme jeune et fidèle à sa Terre Natale. »
Mais enfin qui êtes-vous ? (1981)
« Et toi, l’enfant que je craignais une fois encore de retrouver dans mon village, de revoir à la fenêtre de ma chambre, d’où tu me dévisagerais avec un drôle de sourire : sais-je au fond ce que tu fus ? J’ai parlé de tes rôderies, de tes rêves, des heures passées à l’écoute du soir et de l’Amance, de tes élans, de tes tombes, de tes ferveurs. Mais le reste ? »
Lumière du soir (1983)
Vous trouverez ci-après deux interviews de Marcel Arland, l’un de Bernard Pivot en 1979 et l’autre de Gilles Puldowski en 1982.
- Marcel Arland interviewé par Bernard Pivot_Vidéo Ina.fr
- Marcel Arland interviewé par Gilles Puldowski_Vidéo Ina.fr
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