En 1947, il épouse Juliette ma mère, trois enfants naissent : Yves , Dominique et moi-même Christiane, l’aînée.
En 1951, les tribulations de sa vie professionnelle (il est employé à la SNCF) le conduisent à Langres .
Depuis cette époque, il ne cesse de sillonner la Haute-Marne que ce soit pour peindre ou aller à la pêche, car il est fin pêcheur de truite. Ces deux passions le suivront toute sa vie. Elles sont nécessaires à son équilibre de grand anxieux. Il rapporte de ses virées dans la nature de gros bouquets de fleurs. Il sait les nommer toutes, de même que les oiseaux.
Au début de sa vie langroise, il rencontre les membres du Ciné Langrois Amateur et c’est ainsi que sont portés à l’écran la légende de Chirapa puis Barbara le poème de Prévert. Mon père tient le rôle principal, s’occupe des décors, du grimage de ses partenaires messieurs Besnard, Lillo, Déchanet, Chaudron pour ne citer qu’eux. Les épouses participent de même que les enfants ! Des prix viendront couronner ces travaux en commun.
Pendant ces mêmes années, il est sollicité pour chanter "Minuit Chrétiens" au cours de la messe de minuit dans la petite église de Saint-Gilles. Mais son occupation favorite, lorsqu’il ne travaille pas, reste son art qu’il peaufine sans cesse.
Peintre essentiellement autodidacte, il suit cependant quelques cours au Technicum de Fribourg en Suisse. Il s’essaie à diverses techniques : lavis, linogravure, carte à gratter, fusain, sanguine, gouache, peinture à l’huile, collages et à différents genres : scènes de cirque, scènes de la rue, caricature, portrait, paysages, natures mortes, bouquets de fleurs des champs, romanichels tressant l’osier, leurs roulottes et leurs chevaux. Ce sont les années 50 qui voient tous ces genres. Au fil du temps, il se spécialisera dans le paysage et les bouquets à la gouache, à l’huile ou au fusain.
Il peint dans la nature, là où le paysage le surprend. Sa voiture est aménagée en atelier ambulant avec un chauffage pour les jours froids et comme chacun le sait il y en a sur le plateau de Langres ! Elle doit le conduire partout où il traque le coup de cœur, ce qui lui vaudra des enlisements voire même des ensablements dont il ne sort qu’avec l’aide du cultivateur du coin et son tracteur. Chaque œuvre est terminée dans la cuisine familiale où il pose son chevalet après avoir poussé dans un coin la table et les chaises, dans la nature ou dans le jardin quand le temps le permet. Toute œuvre en cours est observée dans les moindres détails et ne quitte pas son champ de vision même pendant les repas. Chacun de ses tableaux ne parvient aux cimaises que s’il le juge parfait, si tant est que la perfection soit de ce monde, sinon il est effacé ou détruit.
Au fil du temps, le trait rude et anguleux, les surfaces larges des années 50 s’assouplissent, dans les années 60 ils se dépouillent pour devenir plus fins et plus fouillés dans les années 80.
Les expositions se succèdent au rythme de plusieurs par an. Il expose seul ou en groupe, dans des galeries ou des salles municipales : à Paris, Troyes, Nice, Chaumont, St Dizier, Dijon, Pontarlier et naturellement Vesoul et Langres. En effet avec ses amis Jean Favre et Georges Metz, il crée la Biennale des 10 peintres langrois.
Les musées de Chaumont, Dijon, Vesoul, Épinal lui achètent des œuvres. Il participe à une exposition itinérante aux Etats-Unis.
La municipalité de sa ville natale lui achète un tableau la représentant pour l’offrir à Edwige Feuillère native elle aussi de Vesoul.
Il reçoit divers prix de peinture mais ce qui le conforte dans son art, c’est l’admiration de ses proches, de ma mère en particulier son premier critique et des visiteurs.
De ses expositions, je connais un restaurateur, fidèle admirateur et collectionneur, qui envisage de créer un musée dédié à Démery dans son relais château.
Il est sollicité pour des journées du timbre et à cette occasion crée plusieurs cartes parmi lesquelles un vannier au travail, Camille Flammarion, une vue de Langres encadrée par la flore du plateau… Je ne peux pas les énumérer toutes ici,ce serait bien trop long….
Un propriétaire de station service lui demande de peindre une fresque représentant Langres sur un mur attenant à son garage et c’est ainsi que les automobilistes en provenance de Chaumont sont accueillis par l’image de la ville quelque peu stylisée et cette devise « Dans un écrin de verdure et de remparts, Langres, vieille forteresse et ville d’art ». Cette fresque a été détruite victime d’une querelle de mitoyenneté ! Hélas.
La maquette qu’il fait pour l’entrée de la foire départementale de 1960 à Langres est retenue et c’est ainsi que les grilles d’entrée de la promenade Blanchefontaine se retrouvent flanquées de deux flèches devant contenir les guichets, de fanions de couleur portés par des mâts et d’une grosse carte de la Haute Marne où mon père a représenté les principaux sites haut marnais.
Il m’est difficile de tout recenser : il ne tenait aucune comptabilité de ses œuvres ou sollicitations diverses auxquelles il a répondu favorablement. Ma sœur lui avait offert un un "pressbook" qu’elle avait reconstitué à l’aide de coupures de journaux retrouvés dans les tiroirs familiaux. Il s’arrête dans les années 70. Je ne suis même pas sûre qu’entre les deux tout y ait été consigné !
Ce classeur m’a permis de retrouver avec nostalgie des photos de tableaux déjà vus mais oubliés et dont j’aimerais revoir les originaux.
Pour résumer sa carrière, je pense pouvoir dire que même si certains amateurs peuvent se prévaloir de posséder des marines bretonnes, il a surtout été le peintre des paysages hauts marnais, hauts saônois voire francs comtois (paysages du Jura ) avec quelques incursions en Bourgogne, bon vin oblige ! Et il a été le peintre de la neige, le peintre des ciels gris, bas et tourmentés même s’il travaillait facilement tous les verts que décline notre Haute Marne en particulier au printemps et en automne. Le blanc de la neige qui n’est pas blanche comme chacun le sait et les verts sont en effet très difficiles à rendre et bien des peintres contournent les verts en interprétant la couleur.
Son dernier bonheur d’artiste, il le doit à Maitre Duvilliers, commissaire priseur à Chaumont qui choisit de lui rendre un hommage lors de la journée « marteau » 2005. Qu’il en soit encore remercié : mon père fut heureux d’avoir été choisi par un connaisseur des arts mais aussi de revoir par le biais du magnétoscope un échantillonnage de ses œuvres allant des années 50 à nos jours.
Il s’est éteint tout doucement le 1er avril 2006 après plusieurs années de soins affectueux de ma mère. Il a souffert de ne plus pouvoir peindre bien sûr, mais aussi de n’avoir pu dessiner à la demande pour son premier arrière petit enfant, Yohann, comme il l’avait fait sur le coin de la table pour tous ses petits enfants à leur plus grande joie.
Il m’a été très difficile de faire cet article sur lui, car en tant que sa fille je l’ ai toujours admiré, mais aussi parce que pour mon frère, ma sœur et moi il est et restera toujours et simplement : PAPA.
Quant à Juliette son épouse depuis presque 60 ans et notre petite mère, il lui manque terriblement.
Merci à Danièle et à Max, amis des débuts et de la fin, qui ont su trouver des mots plus poétiques pour parler de lui et de son art le jour du dernier adieu cette exposition.
Il repose tout près de ses amis peintres Jules Hervé et Georges Metz, sur les flancs d’une vieille forteresse et ville d’art.
Merci à ceux qui lui rendent ce touchant hommage par le biais de ce catalogue.
15 Messages