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Nicolas ROBERT (1614-1685)

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Publié le 4 mai 2016 , par LENOIR Michelle dans L’art et l’eau

Nicolas Robert, langrois méconnu est un illustre peintre, dessinateur, graveur ; il a travaillé pour Gaston D’Orléans.

Fils de maistre Nicolas Robert, hostelier, et de dame Antoinette Deschanay, a été baptisé et tenu sur les fonts par maistre Nicolas Deschanets, sergent royal, parrain, et par dame Anne Garnier, marraine. A l’exception de cette mention dans le registre des baptêmes de la paroisse Saint-Martin de Langres, à la date du 16 avril 1614, nous ne connaissons rien de l’enfance ni de la jeunesse du peintre.


Crédits: Bibliothèque Centrale MNHN Paris
Anémone

En 1640, il publia à Rome, chez Giovanni Battista de Rossi, Fiori diversi…un recueil de 25 gravures, dédié à un certain Giovanni Orlandi. Les avis des biographes de Robert divergent sur cette édition romaine, certains pensant qu’elle est l’aboutissement du classique voyage en Italie des artistes, entrepris alors vers 1638, d’autres estimant qu’elle constitue seulement la preuve que la réputation du peintre avait à l’époque déjà passé les Alpes.

C’est assurément cette réputation qui le fit choisir pour illustrer, l’année suivante, la Guirlande de Julie, manuscrit sur vélin (1) offert par le duc Charles de Montausier à Julie d’Angennes, fille de la marquise de Rambouillet, qu’il courtisait depuis plusieurs années déjà et qu’il épousera enfin quatre ans plus tard. Cet exceptionnel recueil de soixante-deux madrigaux écrits par le duc lui-même et par les poètes qui fréquentaient le salon de la marquise, Chapelain, Racan, Tallemant des Réaux, Scudéry… a été calligraphié par Nicolas Jarry et relié en maroquin rouge par Le Gascon. Nicolas Robert l’a orné, en frontispice, d’une représentation de zéphyr laissant tomber en pluie les fleurs d’un bouquet ; une magnifique guirlande de fleurs entoure la page de titre tandis que vingt-neuf planches de fleurs agrémentent les principaux poèmes. Restée en mains privées pendant plus de trois siècles, la Guirlande de Julie a pu être acquise il y a une vingtaine d’années par la Bibliothèque nationale de France.

Crédits: Bibliothèque Centrale MNHN . Paris
Aigrette

La remise de ce cadeau exceptionnel eut un grand retentissement dans le milieu littéraire, artistique et mondain du Paris de l’époque et permit à Nicolas Robert d’accéder à la célébrité. Il n’est donc pas surprenant que le prince Gaston d’Orléans, frère cadet du roi Louis XIII, qui avait eu l’occasion de rencontrer Julie d’Angennes, ait souhaité s’attacher ses services lorsqu’il entreprit de faire peindre sur vélin, d’après nature, ses collections de fleurs et d’oiseaux.

Gaston d’Orléans (1608-1660) est surtout passé à la postérité en raison des nombreux complots qu’il fomenta contre Louis XIII et Richelieu. Mais il fut aussi un esprit cultivé et éclairé, versé dans les sciences et les arts. En 1635, de retour de plusieurs années d’exil, il s’installa à Blois où il fit agrandir par Mansart le château gothique et Renaissance construit par les Valois. Il y ajouta une ménagerie, une oisellerie et un jardin botanique, pour lesquels il fit rechercher les espèces les plus rares. Il y constitua également un précieux cabinet de curiosités, composé de la plus importante collection européenne de médailles et d’antiques de l’époque ainsi que d’une belle bibliothèque, auquel il adjoignit l’exceptionnel ensemble de peintures sur vélins qu’il fit réaliser par Nicolas Robert.

Tout ce que la terre féconde,
Produit de plantes dans le monde
Est enfermé dans ces beaux lieux,
Et Gaston le connaît des mieux
Jusques-là qu’il en fait la nique
Aux plus fins en la botanique.
Un jour que ce prince royal
Conférait à l’original
Quelques fleurs en mignature
Peintes par ce docte en peinture
Robert que l’on vante si fort……
(2)

A 27 ans, Nicolas Robert est déjà, nous l’avons vu, un peintre, un dessinateur et un graveur accomplis. Les deux œuvres de jeunesse qui nous sont parvenues, Fiori diversi et La Guirlande de Julie montrent que son art s’inscrit à la rencontre de deux traditions : celle des recueils de fleurs, principalement destinés à fournir des modèles d’ornementation florale aux brodeurs, ferronniers, ébénistes…très vivante au début du XVIIème siècle, et celle de l’enluminure médiévale, à son apogée au XVème siècle « quand la peinture était dans les livres »(3) , dont le perfectionnement de la gravure avait précipité le déclin. Les œuvres qu’il réalise pour Gaston d’Orléans, sur des peaux de grande qualité, sont celles d’un artiste en pleine maturité : la précision du dessin, sa fidélité au modèle naturaliste, la minutie du détail, la somptuosité des couleurs, qui ont conservé, à près de quatre cents ans de distance, un éclat incomparable, la délicatesse du rendu des matières, la perfection de la finition, un art consommé de la composition, qu’il s’agisse de représenter une aigrette dans son milieu naturel, un bouquet d’anémones, ou plus généralement un oiseau ou une fleur dans toute leur simplicité, tout concourt à faire de chaque feuille un véritable tableau enserré dans un mince filet d’or, dont s’affranchit parfois l’extrémité d’une feuille ou d’un pétale, d’une plume ou d’un bec.

Crédits: Bibliothèque Centrale MNHN. Paris
Garault, espèce de Piette

A la mort de Gaston d’Orléans, en 1660, ses collections passèrent à son neveu Louis XIV. La collection des vélins, contenue alors dans cinq grands portefeuilles, intéressa vivement Colbert qui persuada le roi de la poursuivre. Nicolas Robert devint alors « peintre ordinaire du roi pour la miniature », charge qui lui rapportait 600 livres et l’obligeait à fournir 24 vélins par an, les feuilles supplémentaires lui étant payées en sus. Il poursuivit alors son activité à Paris, représentant les plantes du Jardin royal et les oiseaux des volières de Versailles, réalisant au total plus de sept cents vélins, dont près de cinq cents de botanique et plus de deux cents d’ornithologie, auxquels il faut ajouter un écureuil qui n’est sans doute pas son œuvre la plus réussie. Nous mettrons à part trois portraits, représentant les commanditaires de la collection : Gaston d’Orléans, Colbert, et Louis XIV, tous trois représentés dans un encadrement de fleurs digne de la Guirlande de Julie, et assurément dû au pinceau de Nicolas Robert, tandis que les figures elles-mêmes sont vraisemblablement d’une autre main.

Cet ensemble forma le noyau de la collection des vélins royaux, continuée jusqu’à la Révolution française, conservée dans le Cabinet du Roi au Louvre puis déposée à la Bibliothèque royale en 1718. Confiée en 1793 à la bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle par le décret de la Convention fondant l’Etablissement, elle connut un accroissement considérable pendant la première moitié du XIXème siècle et compte aujourd’hui plus de 7000 pièces réunies dans cent-sept portefeuilles. Parmi ceux-ci, deux forts volumes renferment 368 dessins, la plupart à la sanguine, exécutés pour la majorité d’entre eux par Nicolas Robert mais dont quelques dizaines sont dus à Abraham Bosse et à Louis de Châtillon. Il s’agit des dessins préparatoires aux gravures destinées à illustrer une grande histoire des plantes initiée en 1666 par l’Académie royale des sciences tout récemment créée. L’ambition scientifique sans doute démesurée de l’entreprise par rapport aux connaissances et aux méthodes de l’époque, les dissensions qui se firent jour entre l’Académie et le Jardin royal où étaient cultivées les variétés étudiées ne permirent pas la réalisation de ce vaste projet. Trois cent dix-neuf plaques de cuivre, désormais conservées à la Chalcographie du Louvre, furent cependant gravées à l’eau-forte et au burin. Trente-huit d’entre elles illustrèrent en 1676 les Mémoires pour servir à « l’Histoire des plantes » de Denis Dodart (4) . Deux tirages complets des planches furent réalisés au tout début puis au milieu du XVIIIème siècle et rassemblés en recueils dont un petit nombre fut rehaussé à l’aquarelle. La bibliothèque centrale du Muséum conserve, outre les dessins originaux, un exemplaire de chacune de ces publications ainsi que quelques feuilles mises en couleur, dont vingt-six sont dues à Nicolas Robert.

Crédits: Bibliothèque Centrale MNHM Paris
Héron gris

Tout en s’acquittant de sa charge de peintre ordinaire du roi pour la miniature, en peignant des vélins, et en dessinant et gravant des plantes « par ordre du roi Louis XIV », Nicolas Robert continua à dessiner et à graver des fleurs et des oiseaux et à les publier dans des recueils à l’intention des brodeurs et des miniaturistes : Variae ac multiformes florum species appressae ad vivum et aeneis tabulis incisae : diverses fleurs dessinées et gravées d’après le naturel …(5) ; Plusieurs espèces de fleurs dessinées et gravées d’après le naturel…(6) ; Diverses oyseaux dessignées et gravées d’après le naturel…(7) ; Recueil d’oyseaux les plus rares tirez de la ménagerie royale du parc de Versailles, dessinez et gravez… ; Suite des oyseaux les plus rares, qui se voyent à la ménagerie royalle du parc de Versailles, desseignès et gravès…(8)

De la vie de Nicolas Robert, on ne connaît que fort peu de choses : l’étude des Comptes des bâtiments du Roi montre qu’il bénéficiait de revenus confortables, celle des registres paroissiaux indique qu’il fréquentait le monde des peintres et des artisans d’art et précise ses adresses parisiennes successives. Il demeurait rue des Fossés Saint-Germain-l’Auxerrois lorsqu’il mourut le 25 mars 1685, à 71 ans. Un an plus tard, Catherine Perrot « peintre académiste » et peut-être son élève, publiait les Leçons royales ou la manière de peindre en mignature les fleurs et les oyseaux, par l’explication des livres de fleurs et d’oyseaux de feu Nicolas Robert fleuriste (9), ouvrage dédié à la Dauphine, témoignant ainsi, s’il en était besoin, que la renommée du maître ne s’était pas éteinte avec lui.

Nicolas Robert a laissé une œuvre importante, tant qualitativement que quantitativement et il jouissait, de son vivant, d’une grande notoriété. Son acte de décès, qui mentionne sa charge de peintre ordinaire du roi, atteste qu’il a bénéficié jusqu’à la fin de sa vie de la faveur royale. Le fait que la plupart de ses planches nous soient parvenues, soit sous forme de recueils incomplets, soit reliées avec des oeuvres d’autres graveurs témoigne de l’utilisation soutenue qui en a été faite par les amateurs de la bonne société comme par les gens de métier jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. Les œuvres qu’il a réalisées dans le cadre de ses fonctions officielles, restées dans les collections royales jusqu’en 1793, étaient régulièrement présentées à des visiteurs de marque.
Transférées à la fin du XVIIIème siècle dans de grandes collections publiques, elles y ont été conservées à l’abri en raison de leur fragilité intrinsèque. Il faut cependant noter que la collection des vélins du Muséum, régulièrement enrichie jusqu’au milieu du XIXème siècle, a été pendant cette période très consultée par les professeurs de dessin de l’établissement, qui les utilisaient comme modèles, et par les savants naturalistes, à l’appui de leur enseignement et de leurs recherches.
Le nom de Nicolas Robert est ensuite tombé progressivement dans l’oubli auprès du grand public, même si ses œuvres ont toujours été appréciées des collectionneurs qui les ont rassemblées comme des historiens de l’art et des conservateurs qui leur ont consacré publications et expositions. Les moyens de reproduction actuels, le souci de diffusion des collections publiques, l’intérêt grandissant pour l’art du dessin, tout devrait maintenant concourir à faire mieux connaître ce grand peintre, dessinateur et graveur naturaliste, auquel sa ville natale a tenu à rendre hommage près de quatre cents ans après sa naissance.

Michelle Lenoir Directrice des Bibliothèques du Muséum National d’Histoire Naturelle.

1- Vélin : peau de veau mort-né, qui donne après préparation, un parchemin d’une blancheur, d’une finesse et d’une souplesse incomparables, employé pour la réalisation d’oeuvres prestigieuses.
2- Bouillon : les oeuvres de feu Monsieur de Bouillon...Paris : C.de Sercy, 1663, p.38.
3- François Avril.
4- Paris : imprimerie royale, 1676.
5- Paris : F.Poilly [1660 ?].
6- Paris : chez G.Audran, 1676.
7- Paris : F.Poilly, (sd).
8- Paris : Audran, 1676.
9- Paris : J.B. Nego, 1686.

Bibliographie :

JUSSIEU, Antoine de. Histoire de ce qui a occasionné et perfectionné le recueil de peintures de plantes et d’animaux sur des feuilles de vélin, conservé dans la bibliothèque du Roy. Mémoires de l’Académie royale des sciences…année 1727, 1729, p.131-138.

BULTINGAIRE, Léon. Les origines de la collection des Vélins du Muséum et ses premiers peintres. Archives du Muséum d’histoire naturelle, 6ème série, 1926, 1, p.129-149.

POMME DE MIRIMONDE, Albert. Un peintre de la réalité : Nicolas Robert. Revue des arts, 1958 ; VIII, p.82-84.

Gaston d’Orléans ( 1608-1660 ), exposition du tricentenaire, château de Blois, juin-juillet 1960. Tours : impr. Gilbert-Clarey, 1960.

LAISSUS, Yves. Les Plantes du Roi. Note sur un grand ouvrage de botanique préparé au XVIIème siècle par l’Académie royale des sciences. Revue d’histoire des sciences, 1969 , XXII, p.193-236

LAISSUS, Yves. Nicolas Robert ( 1614-1685 ). Nicolas Robert et les Vélins du Muséum National d’Histoire Naturelle. Paris : H. Scrépel, 1980, p.

FRAIN, Irène. La Guirlande de Julie… Paris : Robert Laffont : Bibliothèque nationale, c1991.

DUCREUX, Monique. Les Vélins. Connaissance des Arts, 1995, n° hors série 82, p.62-69.

Mis en ligne par Annita Fourtier

Dans le glossaire :
potentiel hydrogène

Documents :
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Anémone

Anemomum fasciculus Vélins tome 39, 82  

Aigrette

Albicula gazac. Aigrette Vélins tome 6 (82) N°.64  

Garault, espèce de Piette

Anas clangula Ornith ; Tom.8 (84) N°67  

Héron gris

Ardea cinerea major. Aldr tom. 6 (82) N°58  


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