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Les poèmes de la Vingeanne

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Publié le 22 août 2014 , par GOISET Gilles dans L’art et l’eau

« Chemin de l’eau » a déjà abordé le thème de l’eau à travers les sources, les cours d’eau, la photographie, ses rites et ses mythes, la peinture et de bien d’autres manières encore…
Mais, si la littérature abonde sur le thème de l’eau, il suffit de se souvenir du « Lac » de Lamartine, nous n’avions encore jamais mis à l’honneur un écrivain régional, qui plus est, poète. Nous réparons aujourd’hui cette lacune avec des poèmes de Gilles Goiset sur la Vingeanne ; en espérant que cette publication suscite d’autres vocations sur le Plateau…


Légende de Jeanne

Il est des lieux chantants,
Où des cascades d’azur
Bruissent en clapotant
Sous une dense ramure.

Ici, en une strate de glaise,
Sourd un frêle ruisseau.
Là, l’à pic des falaises
Pare un nonchalant coteau.

Dans la sylve profonde,
De hêtres et frênes parée,
Mousses et fleurs abondent,
Tapissant la pente veloutée.

Et l’on dit que jadis,
Pour goûter leur arôme,
Usaient de maints artifices
Les lutins et les gnomes.

C’est là, en ses abords,
Qu’au détour de l’an Mil,
Jeanne dégustait l’aurore,
En rayonnements subtils.

Ici, un doux seigneur
Transcenda son amour,
Au parfum de candeur,
En gestuel de velours.

Las ! Le moment survint,
Brisant la tendre hyménée,
L’appel au mystérieux pèlerin
Pour la sainte terre de Judée.

Mois et années passant,
Dame Jeanne se languit,
Ne voyant du Levant
Qu’un Orient qui fuit.

Quand le fil d’Ariane casse,
L’avenir semble perdu,
Si bien que de guerre lasse,
Au printemps elle mourut.

Quand le noble damoiseau,
Après moult chevauchées,
Délaissa ses fatals oripeaux,
Toute espérance était brisée.

« Ici vint Jeanne » gravé
Dans une pierre ronde et dure
Garde le souvenir marqué
De cette cruelle rupture.

Et par delà le temps,
L’onde suave et pure
Caresse dans le vent
La légende qui perdure.

Riante vallée de la Vingeanne naissante

Il est de fraîches contrées
Où sourdent les ruisseaux,
Des forêts ombragées,
Refuge de maints oiseaux.

Des tendres clapotis de l’eau
Nous parviennent le murmure,
Les faibles soubresauts
D’une cascadelle d’azur.

Tel naît ma douce vallée,
Echancrée de coteaux
Où roulent les ondées,
Prémices de renouveau.

Des lits de pâquerettes,
Des bouquets de primevères
Tapissent l’herbe verte
De leur parfum amer.

On raconte que naguères,
De ces frais pâturages,
Les hôtes des chaumières
Tiraient leur frais herbage ;

Qu’à l’automne survenu,
Mille ouvrées de cépages [1],
Tous instants dévolus,
S’animaient de tapages.

De ces heures d’autrefois,
S’établit une blanchisserie [2]
Qui après bien des convois,
Se vida de soyeuse lingerie.

Ne restent de tous ces bruits
Que des rimes oubliées,
Que l’on narre la nuit,
Au sein des grandes veillées.

Ruisseau

Dans un vallon sauvage,
Il naît un frêle ruisseau,
Au creux d’un pâturage
Flanqué de rudes coteaux.

Belle fontaine d’eau pure,
Toi, tu sourds en ce coin,
En grosses perles de bure
Que l’œil ne voit point.

L’ouïe perçoit le murmure
De l’onde qui jaillit,
Telle une note qui susurre
A l’approche de la nuit.

Tu fais moult détours,
Sautant de pierre en pierre,
Berçant tous tes contours
D’une aubade éphémère.

Par un froid soir d’automne,
Une grande pluie te pétrit,
Tu divagues et détonnes
Pour sortir de ton lit.

Tantôt ton onde douce,
Comme en un chuintement,
Frôle à peine la mousse
Que tu baignes tendrement.

Tantôt, tu te fais dure
Pour mieux couper la roche
Et brandit ton armure
En flèches qui ricochent.

Sur ta rive alanguie,
Tourne la roue d’un moulin,
Dans de vastes prairies
Dont tu sais prendre soin.

Plus grand, tu te maries
A tel ru amoureux,
Instant de tant d’envie
D’un printemps radieux.

Puis, tu changes de visage ;
Ton aura s’obscurcit,
En feuilletant les pages
Qui te mènent à l’oubli.

Le long fleuve a pris
Ta liberté altière.
Dans son cours il t’a mis
Pour rejoindre la mer.

Aux rives du Badin

Près du centre de Vaux-sous-Aubigny,
par un chaud soleil de juillet,
je mangeai au bord de ce qui autrefois
avait constitué une amenée de moulin.

Une escouade de canards au col vert
S’ébattait en pagayant allègrement
Dans le lit miroitant de la rivière
Sous le regard ébahi d’un passant.

Soudain, un ragondin, d’une allure vive,
Se mit à nager béatement au fil de l’onde,
Puis, nonchalamment, se reposa sur la rive,
Sans ameuter céans quiconque à la ronde.

Non loin de là, une flottille de truites,
Par nul prédateur ou pécheur effrayée,
Fendit benoîtement l’eau à la suite,
Tranquille, gourmande et apaisée.

L’ombre des sapins et peupliers
Protégeait ce joli monde quiet,
Jovial, tendre et rassurant vivier,
Du soleil abusif et de ses rais.

A l’heure de midi, les Vauxois déjeunaient,
Oublieux en leur sein de trésors cachés.
Assis sur un rocher, je me délectais
De ce splendide spectacle à mes yeux porté.


Gilles Goiset.

Notes :

[1La vigne est restée présente sur le versant sud-est jusqu’au début du XX e siècle.

[2Au XVIII e siècle, existait une blanchisserie de toiles, en amont du moulin du Pontot.

Dans le glossaire :
potentiel hydrogène

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