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Le mystère des eaux souterraines et la sourcellerie au Pays de Langres.

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Publié le 2 décembre 2017 , par BOCHATON Jacques dans L’eau et les rites sacrés

Les nombreuses découvertes archéologiques montrent que dès la Préhistoire l’Homme s’est installé près des points d’eau. Durant l’Antiquité, les sources furent recherchées et identifiées aux déesses mères : dea Matrona (Marne), Sequana (Seine), Soucona (Saône), Alba (Aube)... (1)


Représentation des déesses mères (Vertault).

A partir du Moyen Age, le christianisme plaça les sources sous la protection d’un saint (Didier, Georges, Antoine, Jean, Mammès, Gengoul...) ou d’une sainte (Brigitte, Barbe, Gertrude, Agathe...). Certaines possédaient des vertus curatives reconnues et les malades venaient parfois de très loin en pèlerinage chercher la guérison. (2)

La fontaine St-Didier de Langres.

Son canon anthropomorphe crachant l’eau.

De nombreux temples antiques ou églises furent érigés sur des cours d’eau souterrains. L’exemple le plus significatif est certainement l’église Sainte-Libaire de Grand (Vosges), l’antique cité gallo-romaine dont le nom évoque le dieu guérisseur Apollon-Grannus. Plus proche, non loin du charmant village de Marcilly-en-Bassigny, dans la crypte de la chapelle Notre-Dame de Presles du 13ème s. on découvre une source « prétendue miraculeuse et objet de pratiques superstitieuses » selon le chanoine G. Drioux. Elle s’écoule dans le petit pré avoisinant.

Chapelle Notre-Dame de Presles.

Nombreux sont les villages et lieux-dits portant le nom de « Fontaine » mot populaire que l’on employait jadis de préférence au mot « source ». Aujourd’hui, il désigne une construction qui alimente en eau des bassins. Dans le village de Peigney où je réside, une rue « de la Fontaine » conduit naturellement à ce type d’installation. Plusieurs étendues du territoire de cette commune portent le nom de « Fontenelle » mot signifiant une petite source.

« Rue de la Fontaine » dans le village de Peigney (cadastre napoléonien).

Le mot « Fontenelle » d’une partie du territoire de Peigney (cadastre napoléonien).

L’une des fontaines du village de Peigney.

La fontaine du « Pré Firon » à proximité de Peigney.

Dans chaque commune on captait les sources que l’on acheminait par des conduites de pierre ou de plomb jusqu’au village pour alimenter des fontaines. Les habitants venaient puiser l’eau pour leur consommation quotidienne. On aménageait de grandes auges et bassins généralement sur la place du village pour abreuver le bétail. N’oublions pas les lavoirs que les lavandières des siècles passés fréquentaient assidûment. Certains, bien conservés, enrichissent le patrimoine communal.
Si dans certains villages l’eau coulait en abondance, dans d’autres, son faible débit posait de réels problèmes. Pour trouver de nouvelles sources on faisait appel à des rhabdomanciens, personnages qui utilisaient un bâton (en grec : rhabdos) et un procédé divinatoire (manteia = divination). Plus tard, on les appela des sourciers car ils pratiquaient la « sourcellerie » et non la « sorcellerie » bien que cette pratique fut longtemps proscrite par l’Eglise romaine. Le sourcier avait le choix entre une baguette de coudrier en forme de Y ou un pendule.

Comment le sourcier tient-il sa baguette ? (4)

Les études scientifiques réalisées pour démontrer la pertinence de la sourcellerie ont donné des résultats plutôt décevants si bien que la plupart des scientifiques attribuent au hasard les trouvailles des sourciers. Si tel était le cas, on devrait obtenir un pourcentage de réussite ou d’échec égal à 50%. Or, certains sourciers ont indiscutablement prouvé qu’il n’en était rien. Ainsi, l’abbé Jean-Baptiste Paramelle (3) exerça ses talents de sourcier au milieu du 19ème s. Voici ce que l’on peut lire à son sujet : « Les procès-verbaux qui ont été dressés par MM. les Maires et qui sont déposés à la préfecture du Lot, ainsi que le certificat de M. le Préfet dont M. Paramelle est porteur, constatent que sur 338 puits ou fontaines qui ont été creusés d’après sa théorie, 305 ont réussi à mettre au jour des Sources salubres réussites... ». Le pourcentage s’élève à 90% ! Il en a été de même pour mon père.

Mon père, un sourcier efficace et apprécié :
Etant commerçant ambulant, il se rendait régulièrement dans la plupart des villages du Pays de Langres. Les éleveurs appréhendaient l’été car à cette saison l’eau se raréfiait dans leurs pâtures. C’est alors que mon père eut l’idée de leur venir en aide d’une manière originale. Il se lança dans la « sourcellerie ». Il est vrai qu’il savait observer la nature. Les frêles sillons d’herbe verte, les espèces végétales hygrophiles (saules, menthe, prêle...), la topographie (relief, diaclases, failles), la pétrographie (roches argileuses, calcaires, siliceuses...) n’échappaient pas à sa lecture visuelle attentive du paysage... Muni de son pendule, il parcourait les prairies, les coteaux, les bosquets, lieux où vivait le bétail. Lorsque son pendule réagissait soit en tournant à gauche soit en tournant à droite, il enfonçait un bâton dans le sol. Puis il repartait dans une autre direction de manière à déterminer le croisement des veines d’eau souterraines. Une fois le lieu choisi, il cherchait toujours à l’aide de son pendule la profondeur du cours d’eau et son débit. Lorsqu’il revenait un mois plus tard, bien souvent le puits était creusé et l’eau le remplissait. Pour l’anecdote, il lui arriva un jour de trouver de l’eau à la verticale d’un puits datant probablement du Moyen Age, en partie comblé et complètement oublié. Aujourd’hui encore, son souvenir est bien vivant dans de nombreux foyers. On se rappelle ses dons de sourcier.
La Science, si elle est indispensable à notre réflexion et à la compréhension des phénomènes, n’explique pas tout. Je pense que le sourcier ou radiesthésiste perçoit d’une manière plus ou moins consciente les ondes telluriques. Ondes que les Anciens ressentaient plus naturellement et qui leur permettaient de détecter avec succès les cours d’eau souterrains. Le pendule n’est qu’un témoin, un amplificateur de la sensation perçue. Ce n’est pas lui qui trouve mais le sourcier. Du reste, mon père utilisait toutes sortes de pendules. Il aimait les fabriquer : balles de guerre ou cochonnets de pétanque. Je ne l’ai jamais vu avec un pendule de cristal ou autre objet sophistiqué que l’on trouve dans les magasins spécialisés. Il me disait : « Tiens le fil entre le pouce et l’index. Mets le pendule en mouvement. Pose lui une question. Il doit réagir ». Bien qu’il affirmait que « Tout le monde peut trouver de l’eau », je pense qu’il avait un don pour ce genre de pratique.

Pendule confectionné à partir d’une balle de guerre.

(1) Découvrir les recherches érudites du chanoine Georges Drioux « Cultes indigènes des Lingons ». Imprimerie champenoise 1934.
(2) Lire l’excellent ouvrage d’Etienne Renardet « Légendes, Contes et Traditions du Pays Lingon ». Editions F.E.R.N. 1970
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Param
(4) Image tirée du livre de l’abbé de Valmont : « La Physique occulte, ou Traité de la baguette divinatoire et de son utilité pour la découverte des sources d’eau des minières » etc., ibid., 1693, in-12, figures ; Amsterdam.

Mis en ligne par James Goncalves.

Crédits photos : Jacques Bochaton.

Dans le glossaire :
potentiel hydrogène

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Lat: 47° 57' 04.13" N
Lon: 5° 44' 45.68" E
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